L’hépatite C, éradiquée d’ici 2030?

L’hépatite C, bientôt un lointain souvenir ? C’est en tous cas la perspective réjouissante annoncée par des chercheurs au Congrès annuel de l’Association européenne pour l’étude du foie, qui se déroule du 9 au 13 avril à Londres. Ces derniers prédisent l’élimination de l’infection virale à l’horizon 2030.

L’hépatite C, éradiquée d’ici 2030.

L’hépatite C est une maladie provoquée par un virus, le VHC. On estime en France à environ 367 000 le nombre de personnes infectées par ce virus, mais à seulement 5,2 % la part d’entre elles qui bénéficient d’un traitement. En cause, l’ignorance de leur propre statut sérologique par près de la moitié des patients (l’hépatite C est une maladie chronique d’évolution lente, qui peut rester asymptomatique pendant de nombreuses années), les nombreuses contre-indications des traitements actuels qui rendent inéligibles au moins 40 % des malades et la crainte des nombreux et lourds effets secondaires de ces traitements, explique à Doctissimo le Dr Françoise Roudot-Thoraval, de l’hôpital Henri Mondor à Créteil.

Pourtant, l’hépatite C est désormais une maladie curable. Et d’après un rapport présenté le 9 avril au Congrès de l’Association européenne pour l’étude du foie, « traiter ne serait-ce que 10 % de la population diagnostiquée par an conduirait à l’élimination de la maladie d’ici 2030« , affirme le Pr Graham Foster, rédacteur de la revue Journal of Viral Hepatitis dans laquelle est publié le rapport.

Augmenter le nombre de patients traités et améliorer l’efficacité thérapeutique

En France, où la population bénéficie d’un très bon dépistage et d’une bonne prise en charge par rapport à celle de ses pays voisins, notamment l’Angleterre ou le Portugal, l’élimination de l’hépatite C n’est envisageable que si l’on augmente le nombre de personnes traitées et si l’on améliore l’efficacité thérapeutique.

– Actuellement, les protocoles thérapeutiques s’arrêtent vers 70-74 ans, explique le Dr Roudot-Thoraval. Au vu des effets secondaires très lourds des traitements, il n’est en effet « pas question de traiter des personnes très âgées qui vont mourir d’autre chose que de leur hépatite C« . Pour autant, l’espérance de vie de la population française augmentant, de plus en plus de patients atteignent les 78-80 ans dans un relativement bon état physiologique et, dans leur cas, une prise en charge thérapeutique peut s’envisager pour éviter les complications de l’hépatite C, et plus particulièrement la cirrhose.

Quant à la meilleure efficacité thérapeutique, cela devrait être possible dès la fin de l’année en France, avec, on l’espère, la mise sur le marché de deux nouveaux antiviraux efficaces, dénués des effets secondaires et contre-indications des traitements actuels. Il s’agit dusofosbuvir, qui, dans l’attente d’une fixation de son prix, bénéficie d’une autorisation temporaire d’utilisation mais à des conditions drastiques, et du siméprévir. L’efficacité remarquable de ces médicaments,  en  association  à  une  bithérapie  pégylée  chez  les  malades  de  génotypes 1 et 4, ou seuls chez des malades de génotypes 2 et 3, en échec thérapeutique, devrait considérablement changer la donne.

En effet, d’après les projections présentées dans le rapport, l’augmentation conjointe de l’efficacité des traitements et du nombre de patients traités devrait se traduire par la baisse de 97 % du nombre total d’infections sur la période 2013-2030, portant à 6 200 le nombre de patients porteurs d’anticorps anti-VHC. Le nombre d’infections chroniques diminuerait de 93 %, celui de carcinomes hépatocellulaires de 87 %, de cirrhoses compensées et décompensées de 85 et 84 % et de décès de 85 %. In fine, la prévalence de l’hépatite c serait inférieure à 0,01 %.

Réduire l’impact financier des complications de l’hépatite C

Il est toutefois très probable que le coût des nouveaux médicaments constitue un frein à leur accès, ce qui amène le Dr Roudot-Thoraval à mettre en garde contre une extension trop massive et trop rapide des patients à traiter. « Cela doit se faire de manière progressive, il faudra être raisonnable et traiter d’abord les malades les plus sévères, ensuite les moins sévères puis les patients âgés. Il n’est pas question de faire exploser le système de l’Assurance Maladie ! » Cette dernière aurait pourtant tout à y gagner, si l’on en croit les résultats du rapport qui évaluent les coûts médicaux des complications de l’hépatite C à respectivement 13 690 € par an et par personne pour un carcinome hépatocellulaire, à 118 162 € par an et par patient pour une transplantation hépatique et à 12 196 € par an et par malade pour une cirrhose. Si l’on veut réduire l’impact financier de ces complications, « la mise en place de politiques de dépistage et de traitement de l’hépatite C est impérative ».

Amélie Pelletier

Sources:

– « Fin programmée de l’épidémie d’hépatite C ?« , communiqué du Journal of Viral Hepatitis, 9 avril 2014.
– Entretien avec le Dr Françoise Roudot-Thoraval, de l’hôpital Henri Mondor à Créteil, qui a participé à l’étude française du rapport, le 9 avril 2014.


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