Pour que les intervenant·es communautaires du Québec réalisent des dépistages rapides du VHC
Ce plaidoyer est présenté par le Centre Associatif Polyvalent d’Aide Hépatite C (CAPAHC) et le Comité Provincial de Concertation en Hépatite C, une concertation réunissant 32 organismes communautaires basés dans 8 régions et agissant auprès des populations-clés touchées par le virus de l’hépatite C (VHC) au Québec.
Il a pour but d’améliorer la prise en charge et l’accès au traitement de l’hépatite C en demandant la reconnaissance du rôle essentiel des intervenants et intervenantes communautaires en leur octroyant la possibilité de réaliser des tests de dépistage rapide des anticorps anti-hépatite C aux points de services.
Ces tests rapides représentent un outil permettant d’orienter les populations-clés de l’hépatite C vers un diagnostic médical au Québec. En effet, la réalisation de ces tests par des intervenants·es communautaires permettrait d’améliorer et d’accélérer la prise en charge des personnes vivant avec l’hépatite C (PVVHC) par le Réseau public de la Santé et des Services Sociaux (RSSS). Nous soutenons que ce changement est indispensable afin que le Québec puisse atteindre l’objectif de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) d’élimination du VHC comme menace de santé publique d’ici 2030.
Soutiens
Nous cherchons maintenant d’autres soutiens afin de montrer aux décideurs et décideuses politiques que les professionnel·le·s concerné·es par les enjeux du VHC soutiennent notre démarche. Si vous partagez notre vision, vous pouvez afficher votre soutien via notre formulaire.
Résumé
Le Plaidoyer
L’hépatite C est une infection du foie causée par le virus de l’hépatite C. Elle est aujourd’hui totalement évitable et guérissable. Cependant elle reste « la maladie infectieuse la plus coûteuse au Canada » en raison des complications de santé lourdes qu’elle peut causer si elle n’est pas prise en charge à temps. Cette réalité s’explique en partie par le fait que 67% des Canadiens·nes indiquent ne jamais avoir été dépisté·es pour l’hépatite C et qu’environ une personne sur deux vivant avec l’hépatite C au Canada ne connaît pas son statut. Cette situation est d’autant plus regrettable que les dernières générations de traitement par antiviraux à action directe (AAD) permettent des traitements courts de 8 à 12 semaines avec des taux de réussite supérieurs à 98% et pratiquement sans effets secondaires pour les patient·es.
On estimait que la prévalence de l’hépatite C au Québec était d’environ 37 000 cas avant la pandémie de COVID-19. On sait aussi que le taux d’incidence national a augmenté de 14,4% entre 2014 et 2018, passant de 29,6 à 33,9 cas pour 100 000 personnes. Nous manquons de données pour savoir comment cette incidence a évolué depuis l’année 2020, mais nous supposons qu’elle a continué d’augmenter en raison de la baisse de l’offre de dépistage pendant la pandémie suite à la réquisition des équipes du RSSS habituellement dédiées au dépistage des ITSS pour offrir le dépistage du virus de la COVID-19. Durant la pandémie, les personnes utilisatrices de drogues ont été confrontées à une réduction de l’accessibilité au matériel et aux services de réduction des méfaits ainsi qu’à une réduction, voire des coupures dans l’accès aux dépistages des ITSS. Par ailleurs, le nombre de surdoses a fortement augmenté durant cette période, comme en témoignent les données recueillies dans les sites de consommation supervisée. Les personnes qui consomment des drogues par injection ou inhalation (PID) représentaient 85% des nouvelles infections du VHC avant la pandémie. Nous craignons aujourd’hui une hausse des nouveaux cas de VHC dans ce contexte de forte baisse d’accès aux outils de prévention.
Il nous faut agir rapidement contre la progression de ce virus avec tous les outils à notre disposition. Par ailleurs, le dépistage rapide du VHC réalisé par des intervenant·es du milieu communautaire constitue un moyen concret et efficace de lutte contre le virus, et il fait partie des recommandations de l’OMS.
Cibles de l’OMS
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a établi en 2016 un objectif d’élimination de la menace pour la santé publique que représente l’hépatite virale d’ici 2030. Pour cela, il faudra diagnostiquer 90 % des nouvelles infections au VHC, garantir que au moins 80 % des personnes diagnostiquées aient accès au traitement et soient guéries, et réduire la mortalité liée au VHC de 65 % par rapport aux chiffres de l’année 2015. Ces chiffres ont à nouveau été affirmés en 2022 dans la stratégie mondiale de lutte contre le VIH, les hépatites virales et les autres ITSS de l’OMS pour la période 2022-2030. En 2018, l’Agence de santé publique du Canada (ASPC) a publié un cadre d’action pancanadien sur les ITSS qui fixe des objectifs d’élimination pour 2030 alignés sur ceux de l’OMS, mais qui ne prévoit pas de mesures concrètes et d’échéancier pour détailler la manière dont ces objectifs pourront être atteints.
Une étude publiée en 2022 estime, en se basant sur un taux similaire à celui atteint avant la pandémie de COVD-19, que le Québec n’atteindra l’objectif d’élimination du VHC qu’en 2037. Pire, si l’on applique un taux équivalent à celui de l’année 2020, alors cet objectif d’élimination ne serait atteint qu’en 2041. Toutefois, cette étude estime également qu’une augmentation de 10 % du nombre de nouveaux diagnostics et traitements par rapport aux taux d’avant 2020 permettrait au Québec d’atteindre son objectif d’élimination pour 2031. Cela permettrait d’éviter environ 90 cas de phases terminales de maladies hépatiques et 50 décès, ce qui représenterait 31,2 millions de dollars d’économies pour le système de santé québécois sur cette période.
Pour atteindre l’objectif d’élimination pour 2030 de l’OMS, il faudrait qu’environ 2 800 traitements soient complétés chaque année, alors qu’en 2020 ce sont environ 1600 traitements contre l’hépatite C qui ont été complétés au Québec.
Il est donc primordial de diversifier et d’augmenter l’offre de dépistage du VHC au Québec si l’on veut pouvoir détecter suffisamment de nouveaux cas pour atteindre l’objectif d’élimination de l’hépatite C comme menace pour la santé publique d’ici à 2030.
Dépistage rapide au point de service : fonctionnement
Pour les intervenant·e·s du milieu communautaire qui ont contribué à l’élaboration de ce plaidoyer, « l’ennemi » dans la lutte contre le VHC est bien souvent le rendez-vous médical. En effet, le dépistage de la maladie nécessite un temps d’attente parfois long, et il est demandé aux patient·tes de revenir à une date ultérieure pour se faire dépister, puis de patienter plusieurs semaines avant d’obtenir les résultats. De nombreux contacts avec ces personnes sont donc perdus avant même qu’elles aient pu être arrimées au RSSS.
De nombreuses études démontrent l’efficacité d’une offre de dépistage rapide aux points de services, qui permet d’augmenter le nombre de personnes dépistées et d’améliorer leur lien avec le RSSS. Un point de service peut être défini comme un lieu fréquenté par le·la patient·e ou proche des services d’accès au traitement (comme les locaux d’un organisme communautaire travaillant dans la prévention des ITSS, les services d’injection supervisés, les centres de jour, etc.).
Les dispositifs de tests rapides du VHC OraQuick sont autorisés par Santé Canada depuis janvier 2017. Ces tests sont fiables à plus de 99 % et permettent de dépister la présence d’anticorps anti-hépatite C à l’aide d’une goutte de sang prélevée au bout du doigt. Un résultat négatif confirme l’absence d’infection par le VHC chez la personne testée ; un résultat positif indique la présence d’une infection active ou passée par le VHC (25 % des personnes qui entrent en contact avec le VHC guérissent d’elles-mêmes sans avoir recours à un traitement, mais les anticorps anti-hépatite C restent présents dans le sang et entraîneront un résultat positif au test rapide OraQuick). La lecture du résultat d’un test OraQuick est similaire à celle d’un test de grossesse ou des autotests COVID-19.
En cas de résultat positif, un deuxième test de détection de l’ARN du virus de l’hépatite C est nécessaire pour confirmer une infection chronique. Les tests de dépistage rapides ne permettent donc pas d’offrir un diagnostic à la personne dépistée, mais constituent un outil de prévention permettant de détecter d’éventuels cas d’hépatite C. Ils permettent également d’orienter les personnes et de mieux les arrimer au réseau de la santé et des services sociaux (RSSS). Le dépistage communautaire ne vise pas à supplanter le secteur médical et son expertise dans le traitement de l’hépatite C ; il permettrait simplement d’élargir l’offre de dépistage pour détecter des infections qui échappent encore au système actuel, tout en offrant de nouvelles opportunités au milieu communautaire et au réseau de la santé de travailler ensemble pour l’élimination de l’hépatite C.
Les tests rapides réalisés dans les points de services permettent de multiplier les contextes et les opportunités dans lesquels nous pouvons les promouvoir et proposer le dépistage comme outil de prévention. L’obtention des résultats en 20 minutes offre aussi une amélioration conséquente qui permet d’éviter de perdre de vue les personnes avant même qu’un début de traitement ait pu être amorcé.
Populations Prioritaires et expérience communautaire
Le VHC touche de façon disproportionnée les communautés marginalisées. En 2019, le Réseau Canadien sur l’hépatite C a publié un modèle directeur pour guider et détailler les efforts d’élimination à entreprendre pour atteindre les objectifs fixés par l’ASPC. Ce modèle propose des modes d’action ciblés autour de six populations prioritaires ou populations-clés affectées de manière disproportionnée par le VHC au Canada.
Ces communautés sont plus fortement touchées par le VHC car son mode de transmission est sanguin. Le partage de matériel de consommation de drogue est un vecteur de transmission important, ce qui explique qu’aujourd’hui 85 % des nouvelles infections touchent des personnes qui consomment des drogues par injection ou inhalation (PID). Les personnes ayant fait l’expérience de l’incarcération sont aussi considérées comme une population prioritaire en raison de la forte prévalence des drogues dans les établissements carcéraux, et d’autres facteurs de risques comme le tatouage artisanal et la forte promiscuité des détenu·es. On estime que près d’un quart d’entre elles et eux sont porteurs du VHC ou l’ont été par le passé.
L’utilisation de matériel médical non stérilisé ou des interventions médicales telle que transfusions sanguines ayant eu lieu avant la découverte du VHC expliquent pourquoi les personnes immigrées venant de pays où les pratiques médicales sont peu sûres et les personnes nées entre 1945 et 1975 font aussi partie des communautés clés du VHC au Canada.
D’autres communautés sont considérées comme prioritaires en raison des facteurs socio-économiques et de marginalisation dont elles font l’expérience. C’est le cas des communautés autochtones (Premières Nations, Inuit et Métis) qui connaissent un risque 5 fois plus élevé de contracter le VHC que le reste de la population canadienne et qui sont surreprésentées parmi les PID ou les personnes qui ont connu l’incarcération, deux facteurs de risque pour l’hépatite C. On parle de communauté prioritaire émergente pour les hommes gbHARSAH (les hommes gays, bi, ou ayant des relations avec d’autres hommes) car bien que le VHC ne se transmette généralement pas de manière sexuelle, le nombre de nouvelles infections progresse de façon alarmante pour ce group. On estime en effet que 5% d’entre eux ont connu une infection par le VHC actuelle ou antérieure.
La lutte pour l’élimination du VHC comme une menace pour la santé publique doit donc se faire par une approche ciblée, afin de mettre en place des stratégies sur mesure et adaptées. Les organismes communautaires qui œuvrent en réduction des méfaits et en prévention des ITSS ont des décennies d’expériences et ont pu établir des relations de confiance avec ces communautés. Que ce soit par des programmes de réduction des méfaits liés à la consommation de drogues, comme la distribution de matériel de consommation à usage unique ou la gestion des sites d’injections supervisés, le travail de sensibilisation et la prévention des ITSS fait au sein de la communauté LGBTQ+, les programmes visant à lutter contre la marginalisation des communautés autochtones, les programmes visant à faciliter l’intégration des nouveaux·elles arrivants·tes au pays, etc. Ce sont autant d’exemples qui témoignent de la capacité du milieu communautaire à rejoindre ces groupes qui bien souvent n’ont pas de lien avec le réseau de la santé, mais aussi à garder contact avec eux sur le moyen et long terme, un avantage incontestable pour les atteindre et les suivre jusqu’à leur guérison.
Au Québec, plusieurs projets de santé communautaire visant à améliorer l’accès au dépistage et au traitement de l’hépatite C sont déjà en cours (voir annexe). Les organismes travaillant avec les populations clés touchées par l’hépatite C ont pu tisser des relations de confiance avec les personnes qui utilisent leurs services. Ils leur offrent également du soutien et de l’accompagnement lors des différentes étapes de la cascade de soins VHC. Ces programmes sont adaptés aux besoins des personnes en termes d’horaires et d’accessibilité des services, mais aussi de bienveillance du milieu qui participe à la lutte contre la stigmatisation des personnes vivant avec le VHC.
Cependant, malgré ces efforts, les projets actuels demeurent fortement limités dans leur étendue par les coûts liés à l’embauche de professionnels de santé pour proposer du dépistage et par leur disponibilité limitée en cette période de pénurie de main-d’œuvre, les intervenants·tes ne pouvant pas proposer le dépistage eux-mêmes. Permettre aux intervenants·es communautaires de réaliser eux-mêmes les dépistages permettrait de fortement augmenter la fréquence de ces activités ainsi que le nombre de personnes qu’ils pourront accompagner vers la guérison dans un environnement de confiance pour les personnes ciblées.
Le milieu communautaire pourra jouer un rôle plus important encore dans cet effort si nous avons la possibilité d’offrir nous-mêmes ces dépistages rapides du VHC aux personnes qui fréquentent déjà nos organismes et avec lesquelles des relations de confiance sont déjà établies. Cela permettrait également d’accélérer le début du traitement contre l’hépatite C pour les personnes les plus désaffiliées du système de santé.
Un partenariat pertinent entre le milieu communautaire et le RSSS
Cette initiative aurait aussi des effets positifs sur le système de santé dans son ensemble, en permettant d’alléger la charge de dépistage du VHC qui repose uniquement sur les infirmiers·ères et médecins actuellement. Actuellement, les tests rapides OraQuick ne peuvent être réalisés que par un·e infirmier·ère ou un·e médecin, ce qui engendre des coûts importants pour l’État et mobilise constamment les professionnel·les de santé. Le système actuel présente de nombreuses barrières d’accès aux soins, notamment pour les personnes qui connaissent des enjeux de mobilité. La pénurie de main-d’œuvre dans le système médical se traduit aussi par des temps d’attente de parfois plusieurs mois dans certaines régions avant de pouvoir accéder au dépistage, puis de longues semaines avant d’obtenir les résultats. Ces délais sont une cause de stress importante pour les personnes qui attendent leurs résultats, ce qui fait que certaines d’entre elles préfèrent tout simplement renoncer à accéder à ces démarches si peu adaptées à leurs besoins, un véritable cercle vicieux qu’il faut briser.
Nous proposons donc aujourd’hui de mettre à contribution le savoir-faire et l’expérience des organismes communautaires travaillant dans la prévention des ITSS et la réduction des méfaits en autorisant leurs intervenants·es à réaliser des tests rapides OraQuick. Les travailleurs et travailleuses communautaires sont parmi les mieux placés pour rejoindre ces communautés tout en proposant une approche globale. Cela permettrait également aux professionnel·le·s de santé de dédier plus de temps aux étapes de soins de l’hépatite C qu’iels sont les seules à pouvoir procurer et de pouvoir ainsi garantir un meilleur suivi des patient·e·s, tout en leur libérant du temps à consacrer à d’autres enjeux de santé publique.
Cependant, les apports du milieu communautaire et les opportunités de collaboration avec le RSSS ne se limitent pas à la question du dépistage. Il est important de pouvoir offrir à la fois un dépistage rapide et un accompagnement vers le RSSS pour produire un changement réel et durable de cette situation qui a trop duré.
Il existe de nombreux projets pluridisciplinaires qui mettent à profit les expertises de tous et toutes pour accompagner les personnes et répondre à leurs divers besoins tout au long de la cascade des soins liés à l’hépatite C. C’était notamment le cas du Projet Lotus, mené de 2016 à 2019 par un partenariat entre deux organismes montréalais. Ce projet visait à offrir une alternative personnalisée et sécurisée aux personnes les plus discriminées au sein du système de santé. Il proposait notamment un réseau de professionnels de santé bienveillants et disponibles pour une prise en charge rapide des personnes, un accompagnement aux rendez-vous médicaux par un·e intervenant·e communautaire, des conseils en alimentation saine pour le foie et un budget de 100 dollars par mois pour l’épicerie, ainsi que le remboursement des frais de transport en commun pour que la mobilité ne soit pas une barrière supplémentaire au traitement.
Le fait de connaître son statut d’anticorps anti-hépatite C ne se traduit pas forcément par le début d’un traitement lorsque les personnes font face à d’autres difficultés plus immédiates, comme la précarité économique. Pouvoir accompagner et répondre aux autres besoins des personnes vivant avec le VHC jusqu’à leur guérison est un atout indéniable offert par le milieu communautaire dans le cadre de ces projets. Permettre aux intervenant·es d’initier la cascade de soins en réalisant le premier dépistage de l’hépatite C en est la suite logique.
Les personnes vivant avec le VHC sont confrontées à de multiples formes de stigmatisation sociale. Cette stigmatisation se poursuit dans le milieu médical, ce qui aggrave le fardeau que représente le VHC et éloigne de nombreux patients des opportunités de dépistage. Cela les prive donc des traitements et de la possibilité de guérir. Il est important de travailler à limiter les effets négatifs de la stigmatisation sur la santé, ce que le milieu communautaire fait depuis des décennies. Les organismes communautaires à l’origine de ce plaidoyer ont par exemple déjà établi des corridors de services en hépatite C pour les usagers de leurs centres. Ces corridors incluent des professionnel·le·s de santé avec lesquelles le milieu communautaire a établi des liens de confiance, et qui ont l’expérience d’offrir des soins aux personnes dans un environnement sécuritaire et sans jugement. En cas de résultat positif à un test rapide, les organismes ont aussi la capacité d’orienter la personne vers le RSSS et de l’accompagner dans la suite de ses soins.
Il est également crucial de s’assurer que les professionnel·les amené·es à réaliser des dépistages rapides seront formé·es aux aspects techniques et à l’accompagnement psycho-social. Le CHUM propose déjà, dans le cadre de son programme de traitement de l’hépatite C, des formations sur l’utilisation des tests rapides OraQuick destinées aux infirmiers·ères qui souhaitent proposer ce service à leurs patient·es. Le CAPAHC, en tant qu’organisme communautaire ayant un mandat provincial d’action et de prévention pour l’hépatite C, offre des formations aux divers intervenant·es travaillant ou susceptibles de travailler auprès des populations les plus à risque de contracter l’hépatite C au Québec. Le besoin de formation des travailleurs·ses communautaires sera également l’occasion d’une collaboration entre le milieu communautaire et le RSSS.
Les opportunités pour le milieu communautaire et le RSSS de travailler ensemble à l’élimination de l’hépatite C sont multiples. Le dépistage rapide n’est que la première étape d’une longue cascade de soins. Simplifier son accès permettrait donc en partie de désengorger le milieu de la santé. Mais le savoir-faire du communautaire permet de garantir une offre de services adaptée et un accompagnement personnalisé dans des corridors de soins préétablis.
Exemples ailleurs dans le monde
Plusieurs pays ont déjà franchi le cap du dépistage rapide du VHC dans les lieux fréquentés par les populations-clés. Les modes d’action employés varient en fonction du contexte, mais s’inscrivent dans la stratégie globale 2030 de l’OMS.
En 2020, l’Australie a approuvé et financé la mise en place d’un programme national de dépistage de l’hépatite C aux points de service, dans le but de pouvoir étendre et uniformiser les initiatives de dépistage communautaires déjà autorisées sur son territoire. Le programme a débuté en janvier 2022 et vise à augmenter les opportunités de dépistage et à améliorer le suivi des patients lors des différentes étapes de la cascade de soins.
Les États-Unis ont fait le choix de la mise en vente libre des autotests rapides de détection des anticorps anti-hépatite C. Plusieurs options certifiées par les autorités sanitaires américaines sont proposées à la vente, avec des coûts compris entre 59 et 79 USD pour un kit d’autotest et la possibilité de consulter un médecin du service par télémédecine en cas de résultat positif. Bien qu’il permette de diversifier l’offre de dépistage, ce mode de fonctionnement présente plusieurs enjeux à nos yeux, car il ne permet pas de lutter contre les barrières d’accès au dépistage du VHC. D’un point de vue économique, il présente également un inconvénient en raison du coût des tests et il s’adresse uniquement aux personnes connaissant déjà les modes de transmission et les risques du VHC et cherchant activement à se faire dépister. L’autotest pose aussi de nouveaux enjeux en matière de suivi et d’orientation des personnes atteintes.
La méthode mise en place en France permet aux intervenants·es communautaires de réaliser des dépistages rapides pour le VIH et les hépatites B et C dans le cadre du dispositif TROD (Test Rapide d’Orientation Diagnostic). Son autorisation a été recommandée dès 2014 par la Haute Autorité de Santé, puis implémentée par arrêté ministériel en août 2016 pour contrer la propagation du VIH et du VHC, puis étendue au dépistage de l’hépatite B en juin 2021. L’arrêté détaille les points sur lesquels les intervenants doivent être formés pour pouvoir réaliser ces tests et met en place une convention d’habilitation remise aux participants qui reçoivent la formation d’un organisme prestataire approuvé. Ces formations sont accessibles à toute personne, « personnel, salarié ou bénévole », exerçant ou intervenant auprès des populations-clés de l’hépatite C. Ces formations sont notamment dispensées par AIDES, un organisme communautaire membre de la Coalition Plus.
Ces exemples d’alternatives au dépistage classique du VHC peuvent être utiles pour déterminer quelles options seraient pertinentes à adopter au Québec en tenant compte des spécificités régionales. Nous pensons qu’une stratégie consistant à autoriser, financer et former les intervenants et intervenantes du milieu communautaire pour réaliser des dépistages rapides au sein de leurs organismes permettrait d’accroître les efforts d’élimination du VHC en multipliant les opportunités d’actions pour pouvoir détecter de nouveaux cas et faire correspondre les personnes à la cascade de soins VHC.
Pour conclure
Les dépistages rapides des anticorps constituent une méthode d’action au sein d’une stratégie globale d’élimination du VHC comme menace pour la santé publique.
Considérant :
- La distribution de matériel de réduction des méfaits est déjà réalisée par les organismes communautaires ;
- Le fait que les membres des populations clés fréquentent déjà régulièrement les organismes communautaires et que des relations de confiance ont été établies ;
- La capacité du milieu communautaire à rejoindre les membres des populations clés et donc à les informer et à déployer les tests rapides auprès d’elles ;
- Les formes de stigmatisation vécues par certains membres des populations clés, qui entraînent des ruptures avec le milieu médical classique ;
- Les difficultés multiples d’accès au dépistage du VHC ;
- La facilité d’accès aux corridors de services déjà établis par les organismes communautaires ;
- Les interruptions de services liées à la pandémie de COVID-19 qui ont aggravé le retard du Québec dans l’élimination du VHC ;
Autoriser les intervenant·e·s communautaires à réaliser des dépistages rapides du VHC représenterait une avancée majeure dans la stratégie provinciale de gestion de l’hépatite C et permettrait d’atteindre les objectifs 2030 de l’OMS. Le coût de l’inaction face au VHC d’ici son élimination au rythme actuel est estimé à environ 31,2 millions de dollars pour le système de santé québécois. Permettre aux intervenant·es communautaires de pratiquer les tests de dépistage rapide du VHC est la première étape nécessaire pour endiguer la menace que l’épidémie représente pour la santé publique.
Poster présenté au Global Hepatitis Summit 2023
Annexe – Projets VHC du communautaire
Cette annexe présente un résumé des projets de lutte contre l’hépatite C mis en place par le milieu communautaire ces dernières années. Elle témoigne de l’expérience positive du milieu pour toucher les populations clés du VHC et proposer des services adaptés aux besoins des personnes. Cette liste n’est pas exhaustive.