Plaidoyer

Pour que les intervenants·es communautaire du Québec réalisent des dépistages rapides du VHC

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Ce plaidoyer est présenté par le Centre Associatif Polyvalent d’Aide Hépatite C (CAPAHC) et le Comité Provincial de Concertation en Hépatite C, une concertation réunissant 32 organismes communautaires basés dans 8 régions et agissant auprès des populations-clés touchées par le virus de l’hépatite C (VHC) au Québec.

Il a pour but d’améliorer la prise en charge et l’accès au traitement de l’hépatite C en demandant la reconnaissance du rôle essentiel des  intervenants·es communautaires en leur octroyant la possibilité de réaliser des tests de dépistages rapides des anticorps anti-hépatite C aux points de services.

Ces tests rapides représentent un outil permettant d’orienter les populations-clés de l’hépatite C vers un diagnostic médical au Québec. Leur réalisation par des intervenants·es communautaire permettrait d’améliorer et d’accélérer la prise en charge des personnes vivant avec l’hépatite C (PVVHC) par le Réseau public de la Santé et des Services Sociaux (RSSS). Nous soutenons que ce changement est indispensable afin que le Québec puisse atteindre l’objectif de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) d’élimination du VHC comme menace de santé publique d’ici 2030.

Soutiens

Nous cherchons maintenant d’autres soutiens afin de pouvoir montrer aux décideur·euses politiques que les professionel·les concerné·es par les enjeux du VHC soutiennent notre démarche. Si c’est votre cas vous pouvez afficher votre soutien par via notre formulaire.

Iels nous soutiennent déjà !
  • Valérie Martel-Laferrière, Médecin-chercheure, CHUM
  • Louis-Christophe Juteau, Médecin, CHUM, CIUSS Centre-Sud de l’Île-de-Montréal, Clinique communautaire Dopamed
  • Caroline Fauteux, Infirmière praticienne spécialisée – Première Ligne, Ciusse
  • Maryse Cayouette, Microbiologiste-infectiologue, CISSS de Lanaudière
  • Serge Côté, Infirmier, CHUM et CRCHUM
  • Louis-Joseph Benoit, Intervenant, MIELS-Québec
  • Katherine Pamela Gonzalez Reyes, Infirmière SIDEP, Ciusss centre ouest de l’île de Montreal
  • Dominic Martel, Pharmacien, CHUM
  • Johanna Sincere, Infirmière clinicienne, CHUM
  • Mariane Rondeau, Infirmière clinicienne SIDEP, CIUSSSE-CHUS
  • Mylène Turcotte, Infirmière clinicienne de proximité, CIUSSS-Estrie
  • Emmanuelle Huchet, Médecin et Directrice médicale, Clinique l’Agora
  • Isabelle Thibeault, Infirmière praticienne et coordonnatrice régionale du réseau intégré en VIH et en VHC au Saguenay-Lac-St-Jean
  • Suzanne Marcotte, Pharmacienne au CHUM
  • Cíntia Soares, Agente de recherche au CRCHUM
  • Laetitia Grenier, Coordonnatrice du secteur logement pour Dans la rue
  • Xavier Dreux, Chargé de projet chez AIDES
  • Sofiane Chougar, Assistant infirmier chef – Service de médecine des toxicomanies, CHUM
  • Ju Massicotte, Coordonnataire des contenus, Portail VIH/sida du Québec
  • Benoit Henry, Infirmier responsable maladies infectieuses, Service Correctionnel du Canada
  • Caroline Gravel, Travail de rue secteur Brandon
  • Martin Baril, Scientifique Médical, Gilead Sciences
  • Lisa Gauthier, Spécialiste communautaire VHC, Gilead Sciences
  • Thuy Dao, Infirmière clinicienne, CEMTL
  • Julie Cotton, Médecin de famille, CIUSSS Centre-sud-de-l’île-de-Montréal
  • Marjolaine Pruvost, Agente de projet, CAPAHC
  • Patrice Vigeant, Microbiologiste-infectiologue, CISSSMO Suroit
  • Suzanne Brissette, Médecin, CHUM
  • Julie Bacroix, Infirmière clinicienne, CHUM
  • Katherine Dumont, Intervenante communautaire Projet C, La Réplique
  • Guillaume Tremblay-Gallant, Direction Générale, Portail VIH/sida du Québec
  • René Légaré, Coordonnateur des communications à la COCQ-SIDA
  • Valérie Samson, Directrice de la Réplique Estrie
  • Michelle Bergeron, Spécialiste communautaire VIH pour Gilead

Résumé

Le Plaidoyer

L’Hépatite C est une infection du foie causée par le virus de l’hépatite C. Elle est aujourd’hui totalement évitable et guérissable, mais elle est encore « la maladie infectieuse la plus coûteuse au Canada » en raison des complications de santé lourdes causées par l’infection si elle n’est pas prise en charge à temps. Cette réalité s’explique en partie par le fait que 67% des Canadiens·nes indiquent ne jamais avoir été dépisté·es pour l’hépatite C et près d’une personne sur deux vivant avec l’hépatite C au Canada ne connaît pas son statut. Cette situation est d’autant plus regrettable que les dernières générations de traitement par antiviraux à action directe (AAD) permettent des traitements courts de 8 à 12 semaines avec des taux de réussite supérieurs à 98% et pratiquement sans effets secondaires pour les patients·es. 

On estimait que la prévalence de l’hépatite C au Québec était d’environ 37 000 cas avant la pandémie de COVID-19. On sait aussi que le taux d’incidence national a augmenté de 14,4% entre 2014 et 2018 et est passé de 29,6 à 33,9 cas pour 100 000 personnes. Nous manquons de données pour savoir comment cette incidence a évolué depuis l’année 2020, mais nous supposons que les chiffres ont continué d’augmenter étant donné la baisse d’offre de dépistage pendant la pandémie suite à la réquisition des équipes du RSSS habituellement dédiées au dépistage ITSS pour offrir du dépistage COVID-19. Durant la pandémie, les personnes utilisatrices de drogues ont été confrontées à une réduction de l’accessibilité au matériel et aux services de réduction des méfaits ainsi qu’à une réduction, voire des coupures dans l’accès aux dépistage ITSS. Durant cette période, la crise des surdoses s’est fortement aggravée, comme en témoignent le nombre de surdoses observées, notamment au sein des sites de consommation supervisée. Les personnes qui consomment des drogues par injection ou inhalation (PID) représentaient 85% des nouvelles infections du VHC avant la pandémie, nous craignons aujourd’hui une hausse des nouveaux cas de VHC dans ce contexte de forte baisse d’accès aux outils de prévention. 

Il nous faut agir rapidement contre la progression de ce virus avec tous les outils qui s’offrent à nous. De plus, le dépistage rapide du VHC réalisés par des intervenants·tes du milieu communautaire est un moyen concret et efficace de lutte contre le virus et qui fait partie des recommandations de l’OMS.

Cibles de l’OMS

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a établi en 2016 un objectif d’élimination de la menace pour la santé publique qu’est l’hépatite virale d’ici 2030. Pour cela il faudra diagnostiquer 90% des nouvelles infections au VHC, qu’au moins 80% des personnes diagnostiquées aient accès au traitement et soient guéries, et réduire la mortalité liée au VHC de 65% par rapport aux chiffres de l’année 2015. Ces chiffres ont à nouveau été affirmés en 2022 dans la stratégie mondiale de lutte contre le VIH, les hépatites virales et les autres ITSS de l’OMS pour la période 2022-2030. L’Agence de santé publique du Canada (ASPC) a publié en 2018 un cadre d’action pancanadien sur les ITSS qui fixe des objectifs d’élimination pour 2030 alignés sur ceux de l’OMS, mais qui ne prévoit pas de mesures concrètes et d’échéancier pour détailler comment atteindre ces objectifs.

Une étude publiée en 2022 estime, en se basant sur un taux similaire à celui atteint avant la pandémie de COVID-19, que le Québec arriverait seulement à atteindre l’objectif d’élimination du VHC à l’horizon 2037. Pire, si on suit un taux équivalent à celui de l’année 2020, alors cet objectif d’élimination ne serait atteint qu’en 2041. Nonobstant, cette étude estime également qu’une augmentation de 10% des nouveaux diagnostics et traitements par rapport aux taux d’avant 2020 permettrait au Québec d’atteindre son objectif d’élimination pour 2031 – et permettrait d’éviter environ 90 cas de phases terminales de maladies hépatiques et 50 décès, ce qui représenterait 31.2 millions de dollars d’économies pour le système de santé québécois sur cette période.

Pour atteindre l’objectif d’élimination pour 2030 de l’OMS, il faudrait qu’environ 2 800 traitements soient complétés chaque année, alors qu’en 2020 ce sont environ 1600 traitements contre l’hépatite C qui ont été complétés au Québec.

Il est donc primordial de diversifier et d’augmenter l’offre de dépistages du VHC au Québec si on veut pouvoir détecter suffisamment de nouveaux cas pour atteindre l’objectif d’élimination de l’hépatite C comme menace de santé publique d’ici à 2030.

Dépistage rapide au point de service : fonctionnement

Pour les intervenants·tes du milieu communautaire qui ont contribué à l’élaboration de ce plaidoyer, « l’ennemi » dans la lutte contre le VHC est bien souvent le rendez-vous médical. Car il nécessite un temps d’attente parfois long, et de demander aux patients·tes de revenir à une date ultérieure pour se faire dépister, puis de patienter plusieurs semaines avant d’obtenir les résultats ce qui fait que de nombreux contacts avec ces personnes sont perdus avant même qu’elles aient pu être arrimées au RSSS.

De nombreuses études démontrent l’efficacité d’une offre de dépistage rapide aux points de services pour augmenter le nombre de personnes dépistées et améliorer leur liaison au RSSS  . Un point de service peut être défini comme un lieu fréquenté par le·la patient·e où qui est proche des services d’accès au traitement(comme les locaux d’un organisme communautaire travaillant en prévention des ITSS, les services d’injection supervisés, les centres de jour, etc.).

Les dispositifs de tests rapides du VHC OraQuick sont autorisés depuis janvier 2017 par Santé Canada. Ces tests sont fiables à plus de 99% et permettent de dépister la présence d’anticorps anti-hépatite C à l’aide d’une goutte de sang prélevée au bout du doigt. Un résultat négatif confirme qu’il n’y a aucune infection par le VHC chez la personnes dépistée – un résultat positif indique la présence d’une infection active ou passée par le VHC (25% des personnes qui entrent en contact avec le VHC guérissent par elles-mêmes sans avoir recours à un traitement, mais les anticorps anti-hépatite C restent présents dans le sang et causeront un résultat positif à un test rapide OraQuick). La lecture du résultat d’un test OraQuick est similaire à celle d’un test de grossesse ou des autotests COVID-19.

Les dispositifs de test rapide du VHC commercialisé par OraQuick sont homologués par Santé Canada depuis janvier 2017

En cas de résultat positif, un deuxième test de détection de l’ARN du virus de l’hépatite C est requis pour confirmer une infection chronique. Les tests de dépistages rapides ne permettent donc pas d’offrir un diagnostic à la personne dépistée mais sont un outil de prévention permettant de détecter d’éventuels cas d’hépatite C pour pouvoir orienter les personnes et mieux les arrimer au réseau de la santé et des services sociaux (RSSS). Le dépistage communautaire ne vise pas à supplanter le secteur médical et son expertise dans le traitement de l’hépatite C, il permettrait simplement d’élargir l’offre de dépistage pour pouvoir détecter des infections qui échappent encore au système actuel tout en offrant de nouvelles opportunités au milieu communautaire et au réseau de la santé de travailler ensemble pour l’élimination de l’hépatite C. 

Les tests rapides aux points de services permettent de multiplier les contextes et les opportunités dans lesquels nous pouvons en faire la promotion et proposer le dépistage comme outil de prévention. L’obtention des résultats en 20 minutes offre aussi une amélioration conséquente qui permet d’éviter de perdre de vue les personnes avant même qu’un début de traitement ait pu être amorcé.

Populations Prioritaires et expérience communautaire

Le VHC touche de façon disproportionnée les communautés marginalisées.En 2019, le Réseau Canadien sur l’hépatite C a publié un modèle directeur pour guider et détailler les efforts d’élimination à entreprendre pour atteindre les objectifs fixés par l’ASPC. Ce modèle propose des modes d’actions ciblées autour de 6 populations prioritaire ou populations-clés affectées de manière disproportionnée par le VHC au Canada.

Ces communautés sont plus fortement touchées par le VHC en raison de son mode de transmission par le sang contaminé. Le partage de matériel de consommation de drogue est un vecteur de transmission important qui fait qu’aujourd’hui 85% des nouvelles infections touchent des personnes qui consomment des drogues par injection ou inhalation (PID). Les personnes ayant fait l’expérience de l’incarcération sont aussi considérées comme une population prioritaire en raison de la forte prévalence des drogues dans les établissements carcéraux, et d’autres facteurs de risques comme le tatouage artisanal et la forte promiscuité des détenus·es. On estime que près d’un quart d’entre elles et eux sont porteurs·euses du VHC ou l’ont été par le passé. 

L’utilisation de matériel médical non stérilisé, ou des interventions médicales comme des transfusions sanguines ayant eu lieu avant que l’on sache identifier le VHC expliquent pourquoi les immigrants·tes venant de pays où des pratiques médicales non-sécuritaires sont courantes et les personnes nées entre 1945 et 1975 font aussi partie des communautés clés du VHC au Canada. 

D’autres communautés sont considérées prioritaires en raison des facteurs socio-économiques et de marginalisation dont elles font l’expérience. C’est le cas des communautés autochtones (Premières Nations, Inuit et Métis) qui connaissent un risque 5 fois plus élevé face au VHC que le reste de la population du Canada et sont surreprésentés parmi les PID ou les personnes qui ont connu l’incarcération – deux facteurs de risque pour l’hépatite C. On parle de communauté prioritaire émergente pour les hommes gbHARSAH (les hommes gays, bi, ou ayant des relations avec d’autres hommes) car bien que le VHC ne se soit généralement pas contracté de manière sexuelle, les nouvelles infections progressent à une vitesse alarmante pour ce groupe et on estime que 5% d’entre eux ont connu une infection par le VHC actuelle ou antérieure.

La lutte pour l’élimination du VHC comme une menace de santé publique doit donc se faire par une approche ciblée pour pouvoir mettre en place des stratégies sur mesure et adaptées. Les organismes communautaires qui œuvrent en réduction des méfaits et prévention des ITSS ont des décennies d’expériences et ont pu établir des relations de confiance avec ces communautés. Que ça soit par des programmes de réduction des méfaits liés à la consommation de drogues, comme la distribution de matériel de consommation à usage unique ou la gestion des sites d’injections supervisés, le travail de sensibilisation et la prévention des ITSS fait au sein de la communauté LGBTQ+, les programmes visant à lutter contre la marginalisation des communautés autochtones, les programmes visant à faciliter l’intégration des nouveaux·elles arrivants·tes au pays… ce sont autant d’exemples qui témoignent de la capacité du milieu communautaire à rejoindre ces groupes qui bien souvent n’ont pas de lien avec le réseau de la santé, mais aussi à garder contact avec eux sur le moyen et long terme, un avantage incontestable pour rejoindre ces personnes et les suivre jusqu’à leur guérison.

Au Québec, plusieurs projets de santé communautaire visant à améliorer l’accès au dépistage et au traitement de l’hépatite C sont déjà en cours (voir annexe). Les organismes travaillant avec les populations-clés touchées par l’hépatite C ont pu tisser des relations de confiance auprès des personnes qui utilisent leurs services et leurs offrent du soutien et de l’accompagnement lors des différentes étapes de la cascade de soins VHC. Ces programmes sont adaptés aux besoins des personnes, que ce soit au niveau des horaires et de l’accessibilité des services, mais aussi de la bienveillance du milieu qui participe à la lutte contre la stigmatisation des personnes vivant avec le VHC. 

Mais malgré ces efforts, les projets actuels demeurent fortement limités dans leur étendue par les coûts liés à l’embauche de professionnels de santé pour pouvoir proposer du dépistage et leur disponibilité limitée en cette période de pénurie de main d’œuvre étant donné que les intervenants·tes ne peuvent pas proposer le dépistage eux-mêmes. Permettre aux intervenants·es communautaires de réaliser eux-mêmes les dépistages donnerait l’opportunité de pouvoir fortement augmenter la fréquence de ces activités et du nombre de personnes qu’elles pourront accompagner vers la guérison dans un environnement de confiance pour les personnes ciblées.

Le milieu communautaire pourra jouer un rôle plus important encore dans cet effort si nous avons la possibilité d’offrir nous-mêmes ces dépistages rapides du VHC aux personnes qui fréquentent déjà nos organismes et avec lesquelles des relations de confiance sont déjà établies. Ce qui permettrait aussi de pouvoir accélérer le début de prise de traitement contre l’hépatite C pour les personnes les plus désaffiliées du système de santé.

Un partenariat pertinent entre le milieu communautaire et le RSSS

Cette initiative aurait aussi des effets positifs sur le système de santé dans son ensemble en permettant d’alléger la charge de dépistage du VHC qui repose uniquement sur les infirmiers·ères et médecins actuellement. Actuellement les tests rapides OraQuick peuvent seulement être réalisés par un·e infirmier·ère ou un·e médecin, ce qui entraîne d’importants coûts pour l’État en mobilisant constamment les professionnels·les de santé. Le système actuel présente de nombreuses barrières d’accès aux soins, notamment pour les personnes qui connaissent des enjeux de mobilité. La pénurie de main d’œuvre du système médical se traduit aussi par des temps d’attente de parfois plusieurs mois dans certaines régions avant de pouvoir accéder au dépistage, puis de longues semaines avant de pouvoir obtenir les résultats. Ces délais sont une cause de stress importante pour les personnes qui attendant leurs résultats –  ce qui fait que certaines d’entre elles préfèrent tout simplement renoncer à accéder à faire ces démarches si peu adapté à leurs besoins, un véritable cercle vicieux qu’il faut arrêter.  

Nous proposons donc aujourd’hui de mettre à contribution le savoir-faire et l’expérience des organismes communautaires travaillant en prévention des ITSS et réduction des méfaits en autorisant leurs intervenants·es à réaliser des tests rapides OraQuick. Les travailleurs·ses du communautaires sont parmi les mieux placés pour rejoindre ces communautés tout en proposant une approche globale. Cela permettrait aussi à aux professionnels·les de santé de dédier plus de temps aux étapes de soins de l’hépatite C qu’iels sont les seules à pouvoir procurer et de pouvoir ainsi garantir un meilleur suivi des patients·es tout en leur libérant du temps à consacrer à d’autres enjeux de santé publique.

Mais les apports du milieu communautaire et les opportunités de liens avec le RSSS ne se limitent pas à la question du dépistage. Il est important de pouvoir offrir à la fois un dépistage rapide et un arrimage au RSSS pour produire un changement réel de ce statu quo qui a trop duré. 

Les exemples de projets pluridisciplinaires mettant à profit les expertises de tous et toutes pour accompagner les personnes et répondre à leurs divers besoins tout au long de la cascade des soins liés à l’hépatite C. C’était notamment le cas du Projet Lotus mené de 2016 à 2019 par un partenariat entre 2 organismes montréalais. Ce projet visait à ce que les personnes les plus discriminées au sein du système de santé aient une alternative offrant un accompagnement personnalisé et sécurisé aux soins. En proposant, entre autre, un réseau de professionels·les de santé bienveillants et disponibles pour une prise en charge rapide des personnes, un accompagnement aux rendez-vous médicaux par un.e intervenant·te communautaire, des conseils en alimentation saine pour le foie et un budget de $100 par mois d’aide pour l’épicerie, le remboursement des frais de transports en commun pour que la mobilité ne soit pas une barrière supplémentaire au traitement. 

Le fait de connaître son statut d’anticorps anti-hépatite C ne se traduit pas forcément par un début de prise de traitement lorsque les personnes font l’expérience d’autres difficultés plus immédiates comme la précarité économique. Pouvoir accompagner et répondre aux autres besoins des personnes vivant avec le VHC jusqu’à leur guérison est un atout indéniable offert par le milieu communautaire sur ces projets ; pouvoir permettre aux intervenants·tes d’initier la cascade de soins en réalisant le premier dépistage de l’hépatite C en est la suite logique. 

Les personnes vivant avec le VHC connaissent de multiples formes de stigmatisation sociale. Cette stigmatisation se poursuit dans le milieu médical et aggrave le fardeau que représente le VHC en éloignant de nombreux·ses patients·tes des opportunités de dépistage et donc du traitement et de la guérison. Il est important de travailler à limiter les effets négatifs que la stigmatisation a sur la santé ; ce que fait le milieu communautaire depuis des décennies. Les organismes communautaires à l’origine de ce plaidoyer ont par exemple déjà établi des corridors de services en hépatite C pour les usagers·ères de leurs centres. Ces corridors incluent des professionnels·les de santé avec lesquelles le milieu communautaire a établi des liens de confiance, et qui ont l’expérience d’offrir des soins aux personnes dans un environnement sécuritaire et sans jugement. En cas de résultat positif à un test rapide, les organismes ont aussi la capacité d’arrimer la personne au RSSS et de l’accompagner pour la suite de ses soins.

Il est aussi crucial d’assurer que les intervenants·es amené.e.s à réaliser des dépistages rapides seront formé.e.s au niveau technique et pour l’accompagnement psycho-social. Le CHUM dispose déjà dans le cadre de son programme de traitement de l’hépatite C des formations sur l’utilisation des tests rapides OraQuick destinées aux infirmiers·ères qui souhaitent proposer ce service à leurs patients·es. Le CAPAHC, en tant qu’organisme communautaire ayant un mandat provincial d’action et de prévention pour l’hépatite C, offre des formations aux divers intervenants·es travaillant ou susceptibles de travailler auprès des populations les plus à risque de contracter l’hépatite C au Québec. Le besoin de formation des travailleurs·ses communautaires sera aussi une opportunité de collaboration entre le milieu communautaire et le RSSS.

Les opportunités pour le milieu communautaire et le RSSS de travailler ensemble à l’élimination de l’hépatite C sont multiples. Le dépistage rapide n’est que la première étape d’une longue cascade de soins, simplifier son accès permettrait donc en partie de désengorger le milieu de la santé. Mais le savoir-faire du communautaire permet de garantir une offre de services adaptée et un accompagnement personnalisé dans des corridors de soins préétablis.  

Exemples ailleurs dans le monde 

Plusieurs pays ont déjà franchi le cap du dépistage rapide du VHC aux points de services fréquentés par les populations-clés. Les modes d’actions employés varient selon le contexte, mais s’inscrivent dans la stratégie globale 2030 de l’OMS.

En 2020, l’Australie a approuvé et financé la mise en place d’un programme national de dépistage de l’hépatite C aux points de service pour pouvoir étendre et uniformiser les initiatives de dépistage communautaires déjà autorisées sur son territoire. Le programme a débuté en janvier 2022 et vise à augmenter les opportunités de dépistage et améliorer le suivi des patients·es lors des différentes étapes de la cascade de soins.

Les États-Unis ont fait le choix de la mise en vente libre des autotests rapides de détection des anticorps anti-hépatite C. Plusieurs options certifiées par les autorités de santé américaines sont proposées à la vente avec des coûts compris entre $59 et $79 USD pour un kit d’autotest et la possibilité d’avoir une consultation en télémédecine avec un·e médecin du service en cas de résultat positif   . Bien qu’il permette de diversifier l’offre de dépistage, ce mode de fonctionnement présente plusieurs enjeux à nos yeux car il ne permet pas de lutter contre les barrières d’accès au dépistage VHC. Il est limitant d’un point de vue économique étant donné le coût des tests et ne s’adresse qu’aux personnes connaissant déjà les modes de transmissions et risques du VHC et cherchant activement à se faire dépister. L’autotest amène aussi de nouveaux enjeux pour le monitorage et l’arrimage aux soins des nouveaux cas détectés. 

La méthode mise en place en France permet aux intervenants·es communautaires de réaliser des dépistages rapides pour le VIH et les hépatites B et C dans le cadre du dispositif TROD (Test Rapide d’Orientation Diagnostic). Son autorisation a été recommandée dès 2014 par la Haute Autorité de Santé, puis implémentée par arrêté ministériel en Août 2016 pour contrer la propagation du VIH et VHC, puis étendue au dépistage de l’hépatite B en juin 2021. L’arrêté détaille les points sur lesquels les intervenants·es doivent être formées pour pouvoir réaliser ces tests et met en place une convention d’habilitation remise aux participants·es qui reçoivent la formation d’un organisme prestataire approuvé. Ces formations sont accessibles à toute personne « personnel, salarié ou bénévole » exerçant ou intervenant auprès des populations-clés de l’hépatite C. Ces formations sont notamment données par AIDES, un organisme communautaire membre de la Coalition Plus.

Ces exemples d’alternatives au dépistage classique du VHC peuvent être utiles pour déterminer quelles options seraient pertinentes à adopter en tenant compte des spécificités régionales du Québec. Nous pensons qu’une stratégie visant à autoriser, financer et former les intervenants·es du milieu communautaire pour réaliser des dépistages rapides au sein de leurs organismes permettrait d’accroître les efforts d’élimination du VHC en multipliant les opportunités d’actions pour pouvoir détecter de nouveaux cas et arrimer les personnes à la cascade de soins VHC. 

Pour conclure

Les dépistages rapides des anticorps sont une méthode d’action au sein d’une stratégie globale d’élimination du VHC comme menace de santé publique.

Considérant :

  • La distribution de matériel de réduction des méfaits déjà réalisée par les organismes communautaires ;
  • Le fait que les membres des populations clés fréquentent déjà les organismes communautaires régulièrement et que des relations de confiances sont déjà établies ;
  • La capacité du milieu communautaire à rejoindre les membres des populations clés et donc de les informer et déployer les tests rapides auprès d’elles ;
  • Les formes de stigmatisation vécues par certains membres des populations clés, qui entraînent des ruptures avec le milieu médical classique ;
  • Les difficultés multiples d’accès au dépistage du VHC ;
  • La facilité d’accès aux corridors de services déjà établis par les organismes communautaires ;
  • Les interruptions de services liées à la pandémie de COVID- 19 qui ont aggravé le retard du Québec dans l’élimination du VHC ;

Autoriser les intervenants·es communautaires à réaliser des dépistages rapides du VHC représenterait une avancée majeure dans la stratégie provinciale de gestion de l’hépatite C et permettrait d’atteindre les objectifs 2030 de l’OMS. Le coût de l’inaction face au VHC d’ici son élimination au rythme actuel est estimé à environ 31.2 millions de dollars pour le système de santé québécois. Permettre aux intervenants·es communautaires de pratiquer les tests de dépistage rapide du VHC est la première étape nécessaire pour endiguer la menace que l’épidémie représente pour la santé publique.

Poster présenté au Global Hepatitis Summit 2023

English Version

Annexe – Projets VHC du communautaire

Cette annexe présente un résumé des projets de lutte contre l’hépatite C mis en place par le milieu communautaire ces dernières années. Elle témoigne de la bonne expérience du milieu pour rejoindre les populations clés du VHC et proposer des services pertinents aux besoins des personnes. Cette liste est non-exhaustive.