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Traitements contre l’hépatite C

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L’hépatite C est la première infection chronique virale à pouvoir être guérie chez les humains.

Historique des traitements

IFNα monothérapie

L’interféron a été la première molécule utilisée pour le traitement de l’hépatite non-A non-B, il s’agit d’un antiviral. Dans le cadre d’une première étude, l’interféron était administré aux patient.e.s pendant 12 mois et semblait résulter en une baisse significative des niveaux de transaminases sériques. Cela a marqué le début de l’ère de l’Interféron α comme traitement du VHC malgré une efficacité inférieure à 40 %. Une réponse virologique soutenue (RVS) 24 semaines après la fin du traitement était considérée comme une guérison.

L’introduction de la ribavirine

À partir de 1998, un second antiviral, la ribavirine, était combiné à l’interféron dans le traitement du VHC permettant d’améliorer l’efficacité du traitement avec une RVS augmentée.

Interférons pégylés (2001-2011)

La prochaine avancée dans le traitement du VHC est marquée par l’utilisation d’interférons pégylés (à longue durée d’action) à partir de 2001. Ils avaient pour avantage d’être plus efficaces et de simplifier l’administration en réduisant à une dose par semaine, permettant d’améliorer l’observance. Cette nouvelle combinaison permettait d’atteindre une RVS dans 55% des cas.

Ces traitements étaient longs et leur efficacité limitée. Ils causaient de nombreux et lourds effets secondaires. Selon le génotype le temps de traitement pouvait varier de 24 semaines à 48 semaines et la RVS de 30 % à 55 %. La plupart des personnes en traitement devaient être en arrêt de travail à cause d’importants effets indésirables variés dus à l’interféron α et à la ribavirine. Le décryptage du cycle du VHC a permis le développement d’une nouvelle génération de traitements antiviraux : les antiviraux à action directe (AAD). Ces nouvelles molécules ciblent directement certaines protéines virales nécessaires à la réplication du VHC. Les premiers AAD développés, Bocéprevir ou Télaprevir, étaient des inhibiteurs de protéase. Leur action visait à empêcher l’épissage de la polyprotéine du VHC entre NS3 et NS4A. En 2011 ils ont été approuvés comme traitement du VHC.

L’ajout des inhibiteurs de protéase à la combinaison Peg-IFN–RBV a permis d’augmenter les taux de RVS de 30% chez les patients naïfs au traitement et de réduire les durées de traitement. Cependant avec cette combinaison thérapeutique, on observait des enjeux de sécurité et un accroissement des effets secondaires. De nouveaux traitements étaient attendus.

Thérapies sans interféron – 2013

Considérant les effets secondaires et les limitations des traitements à base d’interféron, il était nécessaire de développer de nouveaux traitements sans interféron. Le développement des inhibiteurs de NS5A a marqué une nouvelle avancée de taille. En 2012, une première étude a démontré la possibilité de traiter le VHC sans interféron (Lok, 2012).

Le sofosbuvir a été la première thérapie sans interféron à être approuvée. Elle est en générale très bien tolérée avec pas ou peu d’effets secondaires chez la plupart des patient·es. Des forts taux RVS étaient documentés après seulement 12 semaines de traitement chez les patient·es naïf·ves au traitement, ce qui représentait un autre changement drastique.

Le simeprevir et le daclatasvir étaient utilisés pour les génotypes 1 et 3. Dans l’étude COSMOS, les patient·es trait·ées avec une combinaison de simeprevir et sofosbuvir ont atteint un taux de RVS de 90-92 % et 12 à 24 semaines de traitement.

De nouvelles études sont publiées en 2014 démontrant l’efficacité de combinaisons d’AAD. Les taux de RVS pour les personnes porteuses du génotype 1 sont supérieurs à 95 %.

Les AAD pangénotypiques

Enfin la dernière avancée en termes de traitement du VHC. En 2016, le velpatasvir, un inhibiteur de NS5A pangénotypique de seconde génération, est autorisé en combinaison avec le sofosbuvir pour le traitement du VHC. Selon une étude, en 12 semaines, la cohorte de patient·es a atteint un taux de RVS de 99 %, indépendamment du génotype. Pour les patient·es non-naïf.ves au traitement, les taux de RVS étaient un peu plus faibles (93 % chez les patient·es ayant une cirrhose et 89 % chez ceux et celles sans).

En 2017, la combinaison glecaprevir- pibrentasvir est approuvée. Elle est très bien tolérée et atteint des taux de RVS similaires. Les patient·es porteur·euses d’un génotype 1, 2, 4, 5 ou 6 et naïf·ves au traitement ont des RVS atteignant 97 % à 100 % en 8 semaines.1 Des études sont en cours pour envisager une diminution du temps de traitement chez les personnes ayant contracté le VHC récemment.23 La plupart de ces études démontrent que les AAD perdent de leur efficacité si la durée de traitement devient inférieure à 8 semaines.


Les traitements disponibles et remboursés au Québec4


Protocole de traitements au Québec

Avant le traitement, le·la professionnel·le de santé procède au bilan initial qui comprend l’annonce du diagnostic, l’anamnèse – habitudes de vie – histoire médicamenteuse – examen clinique, le bilan biologique et la détermination du stade de fibrose.5 Le génotypage n’est pas obligatoire pour débuter le traitement, sauf s’il peut l’influencer. Il est important de prendre en considération les aspects psycho-sociaux du ou de la patient·e (carte RAMQ, risque d’incarcération, revenu: accès au transport, de la nourriture…) et la santé physique (prévention de réinfection, risque de surdoses…).

Le·la patient·e doit recevoir l’information orale et écrite sur le traitement (voir Les Feuillets antiviraux pour le traitement de l’hépatite C) et le suivi médical.
Il est important de tenir compte des médicaments pris pour prévenir les interactions médicamenteuses et de vérifier la contraception (voir section “VHC et grossesse”).

Durant le traitement, un bilan sanguin est effectué pour connaître l’ARN quantitatif à la semaine 4 (en cas de doute sur l’adhésion) mais ce résultat n’est pas prédictif du succès du traitement.

12 semaines après le traitement, on effectue une RVS, il s’agit d’un bilan sanguin (charge virale et ALT) pour s’assurer de la guérison.

L’OMS dans sa dernière stratégie pour l’élimination des hépatites virales recommande la simplification du traitement, c’est à dire :

En cas de doses manquées

Le fait de manquer des doses d’AAD est relativement commun. La plupart du temps, les doses manquées constituent de courts épisodes. D’après les données disponibles, il est estimé qu’une interruption de traitement de moins de 7 jours n’a pas de fortes chances d’impacter le taux de RVS. Cependant, des périodes plus longues de doses manquées peuvent réduire l’efficacité du traitement. Des recommandations ont donc été élaborées en cas de non-observance du traitement, voir hcvguidelines.org.


Interactions

Les effets des interactions médicamenteuses sont généralement indésirables et parfois néfastes. Les interactions peuvent :

Certains AAD peuvent interagir avec d’autres traitements comme par exemple les agents réducteurs d’acidité qui changent leur absorption ou l’amiodarone, un antiarythmique qui pris avec le sofosbuvir peut entraîner un risque de bradycardie grave. Des outils existent pour évaluer les interactions médicamenteuses tel que hep-druginteractions.org.6

Au-delà des interactions avec les médicaments, il peut y avoir des interactions graves avec les produits naturels de santé. Certaines plantes hépatotoxiques peuvent avoir un effet néfaste sur le foie. D’autres sont faussement réputées pour avoir un effet hépatoprotecteur ou anti-VHC.

Il est important de noter qu’à ce jour aucune étude n’a permis de prouver l’efficacité de plantes médicinales contre le VHC. Enfin certaines plantes risquent d’ interférer avec les AAD telles que le Millepertuis qui en réduit la concentration.7 Il est donc important d’informer les professionnels de santé de votre médication et des produits naturels de santé que vous consommez.


Obstacles dans l’accès aux soins

Depuis 2018, l’accès aux AAD est universel au Québec pour les personnes vivant avec l’hépatite C, indépendamment de leur stade de fibrose, si elles possèdent une couverture médicale (RAMQ ou PFSI).
Cependant, de nombreux obstacles dans l’accès au dépistage ou au traitement demeurent. Par exemple, la stigmatisation, le racisme et la discrimination auxquelles font face les membres des communautés principalement touchées par le VHC dans certaines structures du réseau de la santé vont être dissuasives de recourir à leurs services.

Certains facteurs tels que la judiciarisation, la criminalisation, la pauvreté et la précarité des membres de communauté les plus précaires instaurent des environnements coercitifs dans lesquels les personnes ont pour priorité leur survie, reléguant la santé à un plan ultérieur. De plus, la criminalisation de la consommation de drogues nuit aux efforts de prévention des ITSS.

Vivre en situation d’itinérance, avoir des moyens de communication restreints ou ne pas en avoir, est également un enjeu considérable pour envisager les soins associés au VHC.

Le système de santé au Québec, considérant les impacts de la pandémie de COVID-19 sur l’accès aux soins en général constitue en soit un obstacle à l’accès aux soins. L’attente avant d’avoir un médecin de famille est de plusieurs années, les délais pour pouvoir faire une prise de sang se comptent en semaine… De plus, à l’heure où l’OMS recommande depuis plusieurs années la simplification et la décentralisation des soins dans la lutte contre les ITSS, le dépistage demeure un acte réservé aux médecins et aux infirmier·ères au Québec. Il n’est donc pas possible pour les intervenant·es communautaires de se former afin d’offrir des dépistages rapides au point de services. Enfin, la méconnaissance du VHC par de nombreux médecins qui pourraient pourtant traiter leurs patient.e.s est aussi un obstacle. Le programme de télé mentorat ÉCHO du CHUM hépatite C et problématiques des troubles de l’usage vise à promouvoir la formation selon les meilleures pratiques des professionnels de la santé de première et seconde ligne à la prise en charge des personnes atteintes d’hépatite C afin d’augmenter le taux de dépistage, d’évaluation et de traitement de l’hépatite C partout au Québec, notamment en régions éloignées.


Ré-infection

L’hépatite C se traite et se guérit, cependant la personne ne développe pas d’immunité. Une réinfection par le VHC est donc possible. Les risques de réinfection concernent principalement les personnes utilisatrices de drogues (surtout lorsque la consommation se fait par injection et est récente) et les personnes vivant avec une co-infection VIH/VHC.8

Les facteurs associés à un plus fort risque de réinfection au sein de cette communauté sont l’âge (avoir moins de 30 ans) et la consommation d’opioïdes. À l’inverse on remarque une réduction des risques lorsque les personnes sont sous TAO, lorsque la personne a accès à un soutien en santé mentale ou encore prend un traitement antipsychotique lorsque indiqué. Afin de prévenir une réinfection, il est important de promouvoir les services de réduction des méfaits (distribution de matériel de consommation stérile, sites de consommation supervisée, TAO, approvisionnement sécuritaire, Naloxone…), d’informer et éduquer les personnes concernées de façon adaptée et de faciliter l’accès au dépistage pour ces communautés.9


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Références

  1. Manns, Michael P., and Benjamin Maasoumy. “Breakthroughs in Hepatitis c Research: From Discovery to Cure.” Nature Reviews Gastroenterology & Hepatology, 20 May 2022, pp. 1–18, www.nature.com/articles/s41575-022-00608-8#Sec12, https://doi.org/10.1038/s41575-022-00608-8. Accessed 12 Apr. 2023. ↩︎
  2. Martinello, Marianne, et al. “Short‐Duration Pan‐Genotypic Therapy with Glecaprevir/Pibrentasvir for 6 Weeks among People with Recent Hepatitis c Viral Infection.” Hepatology, vol. 72, no. 1, 8 Apr. 2020, pp. 7–18, https://doi.org/10.1002/hep.31003. Accessed 12 Apr. 2023. ↩︎
  3. Highleyman, Liz. Four Weeks May Be Too Short for Treatment of Recent Hepatitis C. 6 Mar. 2023, www.hepmag.com/article/four-weeks-may-short-treatment-recent-hepatitis-c. Accessed 12 Apr. 2023. ↩︎
  4. Hassoun, Ziad. “Traitement Antiviral c Agents Antiviraux Directs.”, 18 Nov. 2022, studiumfc.umontreal.ca/pluginfile.php/912752/course/section/83645/2022-11-18%20Traitement_VHC%20%28ZH%29.pdf. Accessed 12 Apr. 2023. ↩︎
  5. La Direction des communications du ministère de la Santé et des Services sociaux. La Prise En Charge et Le Traitement Des Personnes Infectées Par Le Virus de l’Hépatite C. 2022. ↩︎
  6. La Direction des communications du ministère de la Santé et des Services sociaux. La Prise En Charge et Le Traitement Des Personnes Infectées Par Le Virus de l’Hépatite C. 2022. ↩︎
  7. Brazier, Jean-Louis. Produits de santé naturel et hépatite C font-ils bon ménage ? 13 Mai 2016. ↩︎
  8. Islam, Nazrul, et al. “Incidence, Risk Factors, and Prevention of Hepatitis c Reinfection: A Population-Based Cohort Study.” The Lancet Gastroenterology & Hepatology, vol. 2, no. 3, Mar. 2017, pp. 200–210, https://doi.org/10.1016/s2468-1253(16)30182-0. Accessed 12 Apr. 2023. ↩︎
  9. Rossi, Carmine, et al. “Hepatitis c Virus Reinfection after Successful Treatment with Direct-Acting Antiviral Therapy in a Large Population-Based Cohort.” Journal of Hepatology, vol. 69, no. 5, Nov. 2018, pp. 1007–1014, https://doi.org/10.1016/j.jhep.2018.07.025. Accessed 12 Apr. 2023. ↩︎