À l’occasion de la Semaine internationale du dépistage, qui se tient du 20 au 26 novembre 2023, nous, membres des 33 organismes communautaires québécois qui constituent le Comité provincial de concertation en hépatite C, coordonné par le CAPAHC, unissons nos voix pour réclamer que les différents paliers de gouvernement remettent la lutte à l’hépatite C et aux ITSS au cœur de leurs priorités. Devant le constat que nous sommes loin d’atteindre les objectifs de lutte contre l’hépatite C de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), aux prises avec une situation sur le terrain qui s’aggrave perpétuellement et face aux chiffres alarmants liés aux nouveaux diagnostics d’ITSS, nous réclamons l’élargissement de notre capacité d’action en termes de dépistage communautaire ainsi que les moyens financiers associés.
Vers une offre de dépistage communautaire
En 2016, le Canada s’engageait à l’élimination des hépatites virales d’ici 2030, selon les objectifs de l’OMS. Aujourd’hui, le Québec est la province la plus en retard avec une atteinte des objectifs prévue pour 2037 en l’absence d’investissements supplémentaires.1 Les nombres de cas déclarés et probables pour la région de Montréal en 2023 indiquent une nette augmentation des cas d’hépatite C par rapport aux années antérieures sur une même période.2
L’hépatite C est une infection chronique pour laquelle un traitement efficace existe. En effet, plus de 97% des personnes traitées se débarrassent complètement de ce virus qui peut causer de graves atteintes au foie. Sachant cela, on pourrait croire, à tort, qu’éliminer l’hépatite C est une problématique déjà réglée. Le premier pas vers la guérison réside dans l’accès au dépistage. Or, depuis la pandémie de COVID-19, on constate que l’accès aux soins est plus difficile et que le nombre de dépistages est en baisse, notamment en raison de la pénurie de personnel infirmier dans notre système de santé.
L’une des meilleures manières d’augmenter le nombre de dépistages d’hépatite C serait de permettre aux intervenantes et intervenants communautaires d’offrir du dépistage à l’aide de tests rapides. Cette pratique, qui permet une décentralisation et une simplification des services, est recommandée par l’OMS et est implémentée avec succès dans de nombreux pays et certaines provinces canadiennes depuis plusieurs années.
Nous déplorons le fait que son utilisation soit toujours un acte réservé au personnel infirmier alors que ce dernier ne nécessite qu’une goutte de sang prélevée au bout d’un doigt. De plus, grâce au lien de confiance privilégié que nous entretenons depuis plusieurs décennies avec les communautés que nous desservons, nous sommes les mieux placés pour sensibiliser les personnes non-rejointes par le système de santé. Nous disposons en outre de toute l’expertise nécessaire pour accompagner ces personnes dans un processus de dépistage. Ne font défaut que l’autorisation de dépister et les ressources financières.
C’est à ce titre que nous avons interpellé le MSSS le 29 avril dernier avec notre “Plaidoyer pour le dépistage communautaire”. À ce jour, nous n’avons même pas reçu d’accusé de réception.
Le milieu communautaire en manque criant de ressources
Depuis la pandémie de COVID-19, la crise des surdoses, la crise du logement, les délais pour obtenir des soins de santé physique et mentale ainsi que la précarisation grandissante auxquelles est confrontée une grande partie de la population sont exacerbées. La réalité observée par les équipes de terrain ne fait que se dégrader de mois en mois. De même, l’explosion du nombre de demandes de services et l’intensification de l’urgence de celles-ci prennent une ampleur de plus en plus difficile à absorber par les organismes. Le sous-financement chronique du milieu communautaire est une réalité avec laquelle nous jonglons depuis plusieurs années, et cette hausse de la détresse accroit notre impuissance à venir en aide à toutes les personnes qui en ont besoin. Ainsi, nous tenons à souligner le travail que les organismes et les équipes réalisent en complémentarité du système de santé dans la prévention de l’hépatite C et des ITSS. C’est pourquoi nous demandons à ce que soit reconnue à sa juste valeur l’expertise spécialisée des organismes qui œuvrent en lutte contre l’hépatite C et en réduction des méfaits par les différents paliers de gouvernement en bonifiant les financements alloués.
Une collaboration indispensable entre le MSSS et le communautaire
En conclusion, il est temps d’amorcer un vrai dialogue pour identifier les engagements du gouvernement pour prévenir l’hépatite C et améliorer les conditions de vie des personnes qui vivent avec. C’est dans cet état d’esprit que nous vous demandons, Monsieur le ministre de la Santé, de travailler conjointement à la mise en place d’actions concrètes. Des pistes de solutions sont identifiées, à l’exemple de la Colombie-Britannique et de l’Ontario qui participent activement et financièrement à la lutte communautaire contre l’hépatite C. Votre appui est indispensable pour le Québec puisse mieux se positionner dans la lutte contre l’hépatite C et les ITSS.
Pour information :
Le Comité provincial de concertation en hépatite C a pour but d’assurer la concertation des organismes communautaires en vue de faire connaître et reconnaître ses recommandations en matière d’hépatite C et ainsi encourager l’augmentation des connaissances, de politiques harmonieuses et de soutenir les membres dans leurs actions. Il compte 32 organismes membres et est coordonné par le CAPAHC.
Contact:
Marjolaine Pruvost, Coordonnatrice de projets
CAPAHC (Centre Associatif Polyvalent d’Aide Hépatite C)
Recherche@capahc.com
1 “Timing of elimination of hepatitis C virus in Canada’s provinces” Jordan J Feld, Marina B Klein, Yasmine Rahal, Samuel S Lee, Shawn Mohammed, Alexandra King, Daniel Smyth, Yuri Sanchez Gonzalez, Arlene Nugent, and Naveed Z Janjua. Canadian Liver Journal 2022 5:4, 493-506
2 https://emis.santemontreal.qc.ca/sante-des-montrealais/maladies-a-declaration-obligatoire/mado-statistiques/