Histoire et épidémiologie d’une épidémie silencieuse
L’hépatite C est une maladie du foie d’origine infectieuse dont la découverte remonte à 1989. Sa propagation est principalement due à une contamination transfusionnelle massive entre 1970 et 1990 ainsi qu’à la toxicomanie intraveineuse. On la désigne comme une épidémie silencieuse parce qu’elle s’est répandue à un rythme important et, généralement, elle ne s’accompagne d’aucuns symptômes avant plusieurs années.
À travers le monde, en 2015, l’OMS estime que 71 millions de personnes vivent avec l’hépatite C, qu’il y a eu 1,75 million de nouveaux cas d’infection et que près de 400 000 décès sont causés par les complications de cette maladie. Alors que les médicaments contre l’hépatite C ont connu une évolution exceptionnelle, l’accès au dépistage et au traitement reste insuffisant : 80 % des personnes ne savent pas qu’elles vivent avec l’hépatite C et seulement 1,5 % de celles qui en sont atteintes ont débuté un traitement en 2015. L’OMS souhaite remédier à cette situation en adoptant une stratégie qui vise à éliminer l’hépatite virale d’ici 2030.
La prévalence et l’incidence de l’hépatite C sont respectivement de 252 000 et de 5000 au Canada en 2013 ainsi que de 70 000 et de 1073 au Québec en 2015.
Découvert en 1989, le virus de l’hépatite C (VHC), classé au sein de la famille des flavivirus (incluant entre autres la fièvre jaune), est responsable de nombreux cas d’hépatite initialement appelé « hépatite non A non B ». Dès les années 1970, Harvey J. Alter et son équipe soupçonnaient l’existence du virus, distinct de ceux des hépatites A et B, chez des receveurs de transfusions sanguines. Or, ce n’est que deux décennies plus tard qu’un groupe mené par le chercheur Michael Houghton de la Chiron Corporation, une société de biotechnologie américaine, utilisa une nouvelle approche de clonage moléculaire permettant l’identification du VHC.
Sa propagation, d’abord liée à une contamination transfusionnelle massive entre 1970 et 1990, est devenue épidémique, également due à la toxicomanie intraveineuse. À l’époque, l’hépatite C semblait être une infection bénigne puisqu’elle passe le plus souvent inaperçue au début et que la plupart des personnes infectées, n’ayant pratiquement aucun symptôme significatif, ne le savent pas. Toutefois, au fil des années, on a constaté l’étendue des dégâts, notamment en ce qui concerne le taux inquiétant de cirrhoses et ses complications potentiellement mortelles.
La découverte du VHC représente une percée des plus importantes, car elle a permis d’assurer la sécurité de l’approvisionnement en sang par l’élaboration de nouveaux tests de dépistage dès 1990 ainsi que de sauver la vie de millions de personnes par l’administration d’un traitement antiviral. Le premier médicament contre le virus, un interféron alfa, a été approuvé en 1991.
Portrait épidémiologique mondial de l’hépatite C | 2015
Prévalence : 71 millions d’infections chroniques
Incidence : 1,75 millions de nouvelles infections
Mortalité : 399 000 décès
De nos jours, l’hépatite C constitue un véritable problème de santé publique mondial, et ce, malgré les avancées majeures en matière de dépistage sanguin et de traitement. Selon le rapport mondial 2017 sur l’hépatite virale de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), « il y a eu environ 1,75 million de nouveaux cas d’infection au VHC en 2015, portant à 71 millions le nombre total de personnes vivant avec l’hépatite C chronique dans le monde », soit environ 1 % de la population mondiale. Ce nombre représente « une prévalence estimée à cinq fois supérieure à celle du VIH », comme le relève le comité provincial de concertation en hépatite C. De plus, toujours selon l’OMS, le nombre de décès attribuable à l’hépatite virale* a augmenté de 22 % depuis 2000, atteignant 1,34 million en 2015 dont environ 30 % des cas résultent des conséquences de l’hépatite C. À travers le monde, l’épidémie continue de se répandre puisque son incidence dépasse encore le nombre de personnes qui meurent d’une infection au VHC au stade final ou qui sont guéries, estimé respectivement à 399 000 et à 843 000.
*Il y a plusieurs virus responsables de l’hépatite virale. Ce terme, tel qu’employé par l’OMS, désigne les cinq principaux virus, ceux représentés par une lettre, bien qu’il en existe d’autres.
À l’heure actuelle, il n’existe pas de vaccin contre le VHC, mais de nouveaux médicaments rendent les traitements plus courts, très efficaces et moins difficiles à supporter avec pratiquement aucun effet secondaire. Alors que le traitement contre le VHC a connu une évolution exceptionnelle, permettant dorénavant de guérir plus de 95 % des personnes infectées, il reste que de nombreux préjugés et inégalités subsistent en matière d’accès à l’information, au diagnostic et au traitement, particulièrement chez les clientèles vulnérables, telles les personnes utilisatrices de drogues par injection et inhalation (UDII). Ainsi, selon l’OMS, à travers le monde, seulement 20 % des personnes vivant avec le VHC connaissent leur situation, et parmi elles, 7,4 % ont reçu un traitement en 2015.
Au Québec, le prix des médicaments antiviraux a considérablement diminué et, depuis mars 2018, ils sont couverts par le régime public pour tous les patients, sans égard à leur stade de fibrose ou à leur état de santé. Ainsi, certains coûts pourraient être évités en réduisant l’incidence d’infections par un dépistage précoce et un traitement rapide des personnes infectées. Les complications de l’hépatite C étant très coûteuses pour le système de santé, un traitement avant la phase terminale de la maladie pourrait également permettre des économies.
LLes données épidémiologiques suggèrent que, d’ici 2035, les cas de cirrhose décompensée, de carcinome hépatocellulaire et de mortalité augmenteront respectivement de 80 %, 205 % et 160 % comparativement à 2013, entraînant une hausse des coûts estimés de 161 millions en 2013 à 258 millions en 2032 au Canada. Ces données sont sujettes à changement selon l’influence des nouveaux médicaments et l’accès au traitement.
Source du graphique : https://www.liver.ca/fr/casl_hep_c_consensus_guidelines_update_-_jan_2015/
Malgré qu’elle entraîne des répercussions comparables à d’autres grandes maladies transmissibles comme le VIH, la tuberculose ou le paludisme, l’hépatite virale n’était pas vraiment considérée comme une priorité de santé publique jusqu’à récemment. En mai 2016, l’Assemblée mondiale de la Santé a adopté la première Stratégie mondiale du secteur de la santé contre l’hépatite virale, 2016-2021 afin de l’éliminer d’ici 2030. L’Organisation mondiale de la Santé souhaite freiner la transmission de l’hépatite C et faciliter l’accès à des soins et des traitements sûrs, abordables et efficaces. Elle vise, entre autres, à dépister 90 % et à traiter 80 % des personnes vivant avec le VHC. Il en résulterait une diminution de 65 % des décès dus à l’hépatite C et de 90 % des nouveaux cas d’infection.
Enfin, l’hépatite C est une maladie le plus souvent chronique potentiellement mortelle, mais pouvant être guérie. L’arrivée des médicaments antiviraux à action directe a considérablement amélioré le traitement de telle sorte qu’il peut désormais paraître banal. Cette banalisation représente un enjeu dans la prévention de la réinfection qui demeure une préoccupation importante, particulièrement chez les personnes qui s’injectent ou inhalent des drogues. On guérit de l’hépatite C, mais la guérison n’amène pas une immunité contre une réinfection si de nouveaux comportements à risque surviennent.
Au Canada, le VHC a pris de l’importance lorsqu’on a constaté que 160 000 Canadiens l’avaient contracté lors de transfusions sanguines. Entre 0,64% à 0,71% des Canadiens sont infectés par le VHC.
Portrait épidémiologique canadien de l’hépatite C | 2013
Prévalence : 252 000 personnes vivant avec l’hépatite C
Incidence : 5000 nouveaux cas / année
Portrait épidémiologique québécois de l’hépatite C | 2015
Prévalence : 39 136 cas déclarés depuis 1990
(estimation de 70 000 personnes atteintes)
Incidence : 1073 nouvelles infections