Bien que le Canada ne se soit pas doté d’une stratégie nationale pour l’élimination de l’hépatite C sur son territoire, il fait partie des pays signataires qui ont adopté la première Stratégie mondiale du secteur de la santé contre l’hépatite virale. L’élimination de l’hépatite C d’ici 2030 nécessite la mise en place de mesures appropriées pour améliorer les connaissances sur la maladie, développer l’accès et étendre les services de dépistage et de traitement.
Une approche adaptée consiste à offrir des soins qui s’arriment aux besoins des personnes infectées par le VHC, l’organisation des services étant un déterminant de la santé et de la réussite du traitement. Elle favorise l’intensification des actions de prévention pour les groupes à forte incidence et l’amélioration des tests et des traitements pour les groupes à forte prévalence. Puisque le principal facteur de risque d’acquisition de l’infection au Canada reste le partage de matériel de consommation de drogues, cette approche doit évidemment tenir compte des spécificités des personnes utilisatrices de drogues par injection et inhalation (UDII), une population particulièrement vulnérable socialement, complexe et souvent laissée-pour-compte dans le réseau de la santé et des services sociaux. Un contexte de traitement approprié permet néanmoins d’atteindre un taux de fidélité aussi élevé chez les personnes consommatrices de drogues que celles qui ne le sont pas.
Il existe un modèle biopsychosocial de soins à bas seuil d’accès qui respecte également les principes de la réduction des méfaits et de la multidisciplinarité, que ce soit en milieu communautaire ou hospitalier. Ce modèle est caractérisé par un environnement sans stigmatisation ni discrimination, des critères d’admission et une plage horaire souples ainsi que des services à proximité du milieu de vie du patient et des délais de réponse rapides. Ces facteurs de réussite thérapeutique ne s’appliquent pas uniquement aux UDII et sont liés au cheminement des usagers du réseau de la santé, quels que soient leurs besoins.
Concernant davantage les personnes aux prises avec des problèmes de dépendance, l’approche pragmatique et humaniste de réduction des méfaits cherche à diminuer les conséquences néfastes de la consommation de drogues, plutôt qu’à l’éliminer complètement, en favorisant les changements axés sur une hiérarchie d’objectifs et la reconnaissance des choix personnels. Elle vise donc à prévenir la propagation du VHC, notamment par la distribution de matériel d’injection stérile et les sites d’injection supervisés, à faciliter la prise en charge et la continuité des soins pour les personnes les plus vulnérables.
La multidisciplinarité, quant à elle, permet d’offrir des soins de santé intégrés, pas exclusivement des soins médicaux, et d’assurer leur cohérence grâce à une équipe de plusieurs spécialistes (médecins, pharmaciens, infirmières, travailleurs sociaux, nutritionnistes, psychologues…) qui travaillent en étroite collaboration.
En 2016, le CAPAHC (Centre Associatif Polyvalent d’Aide en Hépatite C) a mis sur pied le projet-pilote Lotus, un programme communautaire de soins à bas seuil d’accès, en partenariat avec Dopamine ainsi que des cliniques médicales et des maisons d’hébergement. Ce programme est offert aux personnes en situation de précarité, souvent marginalisées, et leur donne un accès alternatif au système de santé par l’accompagnement au traitement de l’hépatite C avec un suivi avant, pendant et après. Il permet donc d’assurer l’adhérence et la réussite du traitement, de prévenir la réinfection, de diminuer les barrières d’accès aux soins et de proposer des ressources médicales, psychosociales, nutritionnelles, etc.
Par ailleurs, un modèle intégratif d’accès aux soins doit davantage tenir compte des différences culturelles puisque les immigrants et les peuples autochtones représentent une large proportion des personnes atteintes de l’hépatite C. Ces populations sont souvent exclues ou ont un accès insuffisant au système de santé parce que les services ne sont pas toujours adaptés à leur réalité. Le terme « sécurité culturelle » renvoie à une approche autoréflexive du professionnel de la santé face aux «contextes sociaux, politiques et historiques des soins de santé», aux «difficiles concepts du racisme, de la discrimination et du préjudice» et aux « relations de pouvoir inégales ». Elle vise entre-autres à atténuer les inégalités en matière de santé et d’accès aux services pour diverses populations. En ce sens, les professionnels de la santé doivent se questionner sur l’impact de leur propre culture sur les soins qu’ils dispensent. Il faut savoir que les personnes qui reçoivent des services adaptés sur le plan culturel sont plus susceptibles d’adhérer au traitement, d’accéder aux soins à nouveau et de se sentir acceptées et traitées avec dignité. Plus encore, selon un rapport de CATIE, « des structures doivent être élaborées et dirigées par les peuples des Premières Nations, des Métis et des Inuits en vue d’éliminer le fardeau disproportionné d’hépatite C au sein des peuples autochtones en établissant, pour cette population, des cibles de santé qui surpassent celles établies pour l’ensemble de la population canadienne ».
Au final, il faut se rappeler qu’il est primordial d’adapter les services aux besoins des patients, chacun ayant des particularités concernant leur état de santé et leur mode de vie. De ce fait, la prise en charge peut être différente de l’un à l’autre.
Bien que nous disposions maintenant de médicaments efficaces pour guérir l’hépatite C, l’accès au diagnostic et au traitement reste insuffisant ou inexistant dans de nombreuses régions du monde. Selon le rapport d’évaluation du modèle TACTIC, « le concept de cascade des soins nous permet de mieux cerner les lacunes du continuum de services ». Tout d’abord, la première étape demeure l’identification des personnes à risque et leur dépistage. Une fois l’infection confirmée, les personnes diagnostiquées ont le choix d’accepter leur prise en charge par une équipe de professionnels de la santé. Puis, elles décident d’amorcer le traitement ou non. Il est essentiel de prévenir la réinfection en les éduquant sur les comportements sécuritaires. Enfin, la guérison devrait conduire à la continuité des soins pour traiter les comorbidités et surveiller le risque de carcinome hépatocellulaire qui persiste chez les personnes cirrhotiques malgré l’éradication de l’infection. Cette vision d’ensemble de la trajectoire de soins nous permet de voir là il y a des brèches dans la continuité des soins et nous permet de voir où mettre les efforts pour permettre aux plus grand nombre de gens d’être traiter et, éventuellement, d’éradiquer l’hépatite C.
Les personnes ayant une consommation excessive ou une dépendance doivent être prises en charge pour limiter les dommages hépatiques. Rappelons qu’il existe des traitements pour aider à contrôler la dépendance à l’alcool pour les patients qui envisagent la pharmacothérapie, et ce, sans interaction médicamenteuse avec les antiviraux à action directe. De surcroît, soulignons que, la consommation de drogues, passée ou présente, n’est pas une contre-indication au traitement et différentes modalités de soins sont nécessaires pour rejoindre la population UDII. Bien que peu d’entre elles soient actuellement traitées, les médicaments contre l’hépatite C peuvent s’avérer aussi efficaces chez les personnes utilisatrices de drogues, l’issue du traitement dépendant davantage du mode de prestation des soins. Si elles le souhaitent, les personnes qui ont une dépendance aux opioïdes peuvent accéder à un programme de traitement par agoniste opioïdes à base de méthadone ou de buprénorphine (Suboxone). Elles augmentent ainsi leurs chances de compléter la cascade de soins et de réussir à guérir de l’hépatite C. Or, ces personnes sont souvent vulnérables et stigmatisées et ont un rapport difficile avec le système de santé, ce qui représente un paradoxe qu’il faut surmonter étant donné que la prévalence et l’incidence de l’hépatite C sont plus élevées chez les UDII et qu’ils sont identifiés comme des patients à traiter en priorité. Ces derniers sont parfois confrontés au jugement de professionnels de la santé qui refusent de les soigner, une décision injustifiée et basée sur de la fausse information à propos des taux de réussite et de réinfection. Le risque de réinfection peut néanmoins demeurer faible avec une bonne éducation sur les comportements sécuritaires à adopter, du soutien et des actions en lien avec l’approche de réduction des méfaits, comme l’accès à du matériel d’injection.
Nous savons que la toxicomanie est liée à un nombre non négligeable de cas de nouvelles infections au VHC et qu’elle s’accompagne de comorbidités ou les engendre, notamment celles en santé mentale. Ainsi, « plus de 50 % des personnes toxicomanes souffriraient de troubles psychiatriques et, à l’inverse, entre 15 et 20 % des personnes qui ont recours à des services de santé mentale présenteraient également une problématique de toxicomanie » (Chayer et al., 2011), ce qui en fait des clientèles particulièrement vulnérables à l’hépatite C. Or, l’accès au traitement est encore plus difficile pour ces personnes qui ont des problèmes de santé mentale et/ou de consommation de drogues. Alors que l’ancien traitement, composé d’un interféron pégylé et de la ribavirine, absolument contre-indiqué pour les patients avec une dépression incontrôlée ou une psychose, entraînait de nombreux effets secondaires tant physiques que psychiatriques, pouvant être très souffrants et invalidants, les nouveaux médicaments antiviraux à action directe sont très bien tolérés et peuvent être prescrits sans problème aux personnes ayant des troubles mentaux. On constate même une amélioration de la santé physique et mentale chez les personnes guéries avec ces médicaments.
Une bonne alimentation est bénéfique peu importe l’état de santé global, mais elle est particulièrement importante pour les personnes atteintes de l’hépatite C, surtout celles qui ont une cirrhose. Effectivement, « l’insuffisance hépatique perturbe la digestion, le métabolisme, l’absorption et l’entreposage des éléments nutritifs tandis qu’une saine alimentation favorise une bonne fonction immunitaire ainsi que la régénération et la protection du foie » (CATIE, 2014). Il est recommandé d’éviter les repas trop copieux et de répartir les aliments en trois repas pour éviter les fringales. Il est également important de bien s’hydrater en buvant de l’eau et de faire de l’activité physique régulière.
Une consultation en nutrition peut être profitable en cas de stéatohépatite non alcoolique ou de cirrhose pour personnaliser les recommandations nutritionnelles.
L’outil Hépatite C, cirrhose et régime alimentaire résume les recommandations générales pour les personnes ayant une cirrhose.
Alimentation saine
- Produits céréaliers , de préférence grains entiers (par exemple, riz brun,orge mondé ) ou à base de grains entiers (pain, pâtes, céréales )
- Légumes et fruits
- Légumineuses (haricots, lentilles, pois secs)
- Noix et graines
- Yogourt , fromage, lait non sucré
- Poisson , volaille, oeufs
- Huile d’olive ou de canola pour la cuisson ou pour assaisonner
- Fines herbes, épices, jus de citron et ail pour assaisonner
- Faible consommation de grignotines, sucreries, viande rouge et viande transformée (charcuteries)
Depuis 1991, l’hépatite C est une maladie à déclaration obligatoire, c’est-à-dire que tous les cas d’infection doivent être signalés à l’Agence de santé publique afin qu’elle puisse la contrôler, surveiller l’état de santé de la population et orienter l’offre de services en matière de prévention et de soins. L’information transmise demeure néanmoins confidentielle. Le patient n’a pas l’obligation légale de dévoiler son infection par l’hépatite C ni à ses proches ni aux professionnels de la santé. Il est toutefois conseillé de divulguer cette information à ces derniers pour qu’ils puissent prodiguer des soins qui tiennent compte de la maladie du foie, et surtout si le patient à une cirrhose et un problème de coagulation ou doit subir une intervention chirurgicale. De plus, les personnes atteintes de l’hépatite C devraient en informer toute personne à risque d’être exposée à leur sang afin de prévenir la transmission de l’infection et d’éviter une poursuite judiciaire, notamment dans le cadre de relations sexuelles ou de partage du matériel de consommation de drogues. Au travail, il n’y a généralement aucune raison d’exposer son statut sérologique à ses collègues. Finalement, le patient doit fournir des renseignements de santé personnels, possiblement révéler son hépatite C, à sa compagnie d’assurance afin qu’elle détermine s’il est éligible. S’il n’est pas honnête, il risque de voir sa police d’assurance annulée et d’avoir une déclaration de fraude.