Symposium psychosocial 2018 – Place aux réalités

Symposium psychosocial 2018 – Place aux réalités
Synthèse de la journée

Le Symposium psychosocial 2018 – Place aux réalités a permis de mettre en commun les réalités psychosociales qui touchent de près les communautés des trois organismes de l’alliance ETIAM. En effet, le CAPAHC, le Portail VIH/sida du Québec et ASST(e)Q ont réuni plus de 200 personnes provenant d’une grande diversité d’organismes et de milieux lors de son symposium organisé le 2 mai 2018 au CHRUM de Montréal. C’est sans doute cette pluralité qui a permis des échanges riches en nuances lors des présentations et qui a également mis en avant l’importance de ces événements dans le secteur communautaire.

La programmation donnait la place aux réalités des personnes issues des communautés les plus touchées par le VIH, l’hépatite C et les ITSS dans une approche inclusive avec un accent mis particulièrement sur la communauté trans. Même si les neuf présentations pouvaient sembler hétérogènes elles tissaient, ensemble, une vision commune vers un avenir où les inégalités sociales étaient prises en charge par l’ensemble de la société.

Gabrielle Bouchard, présidente de la Fédération des femmes du Québec, a pris en main la responsabilité d’animer la journée en lui donnant un fil d’Ariane pointillé d’humour, féminisme et de modération quand le ton de la discussion l’exigeait.

La première présentation a joué un rôle introductoire aux sujets qui ont occupé le reste de la journée. Ainsi, Gabriel Girard, sociologue et agent de planification, de programmation et de recherche à la direction régionale de santé publique de Montréal (CIUSSS-CSM) a survolé les inégalités sociales qui touchent les communautés marginalisées et, donc, les communautés qui sont cœur des cibles du symposium. Il a abordé l’hyper-responsabilité posée sur les épaules des personnes qui vivent avec le VIH ou bien les dynamiques de pouvoir créées autour de la santé sexuelle des personnes trans et, dans une moindre mesure, cis. Selon Girard, les inégalités d’accès aux services de soins qui peuvent servir comme points de départ pour rééquilibrer la relation de pouvoir entre les professionnel(le)s de santé et les personnes issues des communautés marginalisées.

La deuxième présentation a abordé les enjeux de pouvoir et les droits des personnes qui vivent avec le VIH dans un premier temps, et les personnes trans dans un deuxième. Léa Pelletier-Marcotte, coordonnatrice du programme VIH Info-droits de la COCQ-sida, a mis sur la table les enjeux légaux du non-dévoilement du statut sérologique des PVVIH lors des relations sexuelles. En 2017d, le rapport sur la réponse du système de justice pénale à la non-divulgation de la séropositivité constate que le droit pénal ne devrait pas s’appliquer aux personnes séropositives qui ont une charge virale supprimée, sont sous traitement, utilisent le condom et se livrent uniquement à des relations sexuelles orales. Le Canada se retrouve donc dans une situation qui est loin d’être idéale, mais quelques avancements sont à noter au cours des dernières années. Toutefois, le Québec n’a toujours pas implémenté des lignes directrices à ce sujet. Finalement, les obligations de divulgation des PVVHC et des personnes porteuses d’autres ITSS restent floues.

Léa Pelletier-Marcotte a partagé la scène avec Florence Ashley, juriste Trans féminine et candidate à la maîtrise en droit et bioéthique à l’Université McGill. En survolant le projet de loi 103 au niveau provincial et le projet de loi C-16 au niveau fédéral, Ashley a abordé le besoin de la protection des personnes trans et non binaires face à la discrimination institutionnelle. La présentation a conclu avec l’exigence d’une révision du traitement reçu par les personnes trans au sein du système de santé.

Le message de Florence Ashley a été renforcé, quelques présentations plus tard, par Gabrielle Leblanc. Femme trans elle-même, Leblanc a expliqué aux assistants le Projet Priorités trans sur lequel elle est co-chercheuse. Ce projet a comme objectif de définir les priorités de recherche au sujet des femmes trans qui vivent avec le VIH, par des femmes trans. Ainsi, la réduction de la stigmatisation, l’amélioration des services offerts, la recherche sur les interactions médicamenteuses entre l’hormonothérapie et la trithérapie et le traitement du traumatisme et la violence interpersonnelle ont été soulevées comme des problématiques à traiter de manière prioritaire. Gabrielle Leblanc a annoncé que l’équipe de recherche a reçu une subvention qui leur permettra de développer un projet pilote de formation relié au VIH et aux personnes trans. Celui-ci sera déployé auprès des professionnel(le)s de la santé à Vancouver, Toronto et Montréal.

La recherche académique et scientifique, comme celle présentée par Gabrielle Leblanc, a en effet eu une place dans plusieurs occasions tout au long du Symposium. Quelques présentations plus tard, Dr Cécile Tremblay et Joseph Jean Gilles, ont notamment expliqué aux assistants et assistantes les résultats préliminaires du projet CARAF-mobile. Le projet est issu d’une collaboration avec l’organisme communautaire GAP-VIES et le Centre de recherche du centre hospitalier de l’Université de Montréal et met en valeur l’expérience et l’expertise des organismes communautaires. Toutefois, le projet a aussi un objectif fortement ancré à la recherche : évaluer une approche de dépistage enraciné dans la communauté en utilisant une unité mobile. Sous forme de camping-car, l’unité mobile se promène dans les quartiers avec une forte densité de population provenant d’Haïti, des Caraïbes et d’Afrique subsaharienne. Ce projet a permis de faire dépister plus de 1000 personnes et en sensibiliser bien d’autres, des résultats possibles grâce uniquement à une approche adaptée aux besoins de la population ciblée.

Dans son optique transversale, le symposium ETIAM ne pouvait pas tourner le dos aux réalités des Premières Nations dans l’ensemble du Québec et le Canada. Isabelle Paillé, coordonnatrice de promotion de la non-violence et du Réseau des maisons d’hébergement autochtones au Québec, a mis sur la table les problématiques des personnes bispirituelles dans les communautés autochtones. Traditionnellement valorisées, les personnes bispirituelles se retrouvent aujourd’hui marginalisées et avec un manque de références culturelles et sociales. Dans un contexte social qui peut devenir parfois hostile, cette situation peut devenir très facilement stigmatisante. Isabelle Paillé a mis en contexte toutes ces réalités aux conséquences de la colonisation sur ces communautés et l’influence que les pensionnats ont encore aujourd’hui dans la société des Premières Nations. La présentation s’est terminée avec quelques indications sur l’optique à entreprendre lors des interventions auprès des personnes autochtones, ce qui a généré un intéressant débat avec plusieurs intervenants et intervenantes présents et présentes dans la salle.

La crise des opioïdes qui affecte le Québec et le Canada a inévitablement et nécessairement eu sa place au sein du symposium. La présentation tenue par Mélodie Talbot et Jean-François Mary a mis au cœur de la question les solutions que les organismes communautaires peuvent y apporter. Mélodie Talbot , coordinatrice de l’Injecteur, et Jean-François Mary, directeur général de l’AQPSUD
, connaissent de bien près cette crise et ont offert une présentation riche en détails pratiques et revendicatifs. Entre d’autres, ont-ils affirmé, la distribution de naloxone et l’ouverture des sites supervisés d’injection permettent de mieux répondre à la crise des surdoses, mais les services offerts ne sont pas suffisants. Pour en sortir définitivement, ont-ils affirmé, il faut une alliance avec les professionnel(le)s de la santé, car seulement ainsi l’accès aux substances sécuritaires sera assuré.

La huitième présentation, livrée par Daniel Jonathan Laroche, parlait également de consommation. Elle visait à démystifier le chemsex; l’utilisation d’une combinaison de substances dans un contexte sexuel auprès des hommes gais et bisexuels. Pour cela, Daniel Laroche a expliqué à l’audience les impacts sur la santé sexuelle que ces pratiques ont et le besoin d’une prise d’action de la part des professionnel(le)s de santé et des services sociaux pour en minimiser les risques. Actuellement, les services pour les hommes gais et bisexuels qui pratiquent le chemsex sont peu développés et demeurent rares, a prévenu l’intervenant de RÉZO et ACCM.

L’apogée de la journée est survenu sans doute lors du témoignage de Farim. Avec un rythme calme, mais certain, Farim a raconté son expérience comme personne queer et vivant avec le VIH en remontant jusqu’à ses grands-parents pour faire comprendre à l’auditoire l’importance de notre enfance et notre entourage. Ainsi, Farim a bâti une histoire remplie de repères auxquels tout le monde pouvait s’identifier en créant ainsi une ambiance d’empathie partagée. Il a également dessiné les liens entre l’isolement et les stigmatisations structurelles en passant par l’acceptation personnelle et les moments les plus sombres de ses expériences. Sa présentation a fini par une ovation debout du public, explicitement impressionné par l’expérience de sa vie et, surtout, sa résilience.

La journée ne pouvait pas se terminer sans mettre l’accent sur les besoins des personnes qui vivent avec l’hépatite C. La neuvième et dernière présentation, livrée par Amélie Tremblay Lebel, coordinatrice du Projet C, un service d’accompagnement et de soutien pour les personnes porteuses d’hépatite C en Estrie. Elle a présenté les trois axes du Projet C : la prévention, le dépistage et le traitement. Grâce également à des alliances avec les médecins traitants, les GMF et le SIDEP régional de l’Estrie le projet vient en aide à une soixantaine de personnes, dont 15 ont déjà été guéries. Ainsi, l’histoire du Projet C, c’est une histoire de succès hors la métropole et la présentatrice a invité d’autres régions a implanter des programmes similaires à travers le Québec.

Pour consultez le rapport des évaluations du Symposium 2018 – Place aux réalités, Cliquez ici!


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