Le ténofovir pour prévenir la transmission in-utero du virus de l’hépatite B

En France le dépistage du portage du virus de l’hépatite B, par la recherche de l’antigène HBs, doit être réalisé systématiquement chez les femmes enceintes au 6ème mois de grossesse. Le but est de prévenir la transmission virale, qui se fait essentiellement lors de l’accouchement, par la vaccination et l’administration d’immunoglobulines contre le virus B.

La découverte d’un antigène HBs positif doit conduire à la quantification de l’ADN du virus B dans le sang maternel, car en cas de charge virale très élevée (> 106-7 UI/ml) le risque de transmission virale in utéro (10-20 %), au troisième trimestre, doit faire discuter la mise en route d’un traitement antiviral pendant le 3èmetrimestre de la grossesse et les trois mois qui suivent l’accouchement. Les recommandations de l’Association Européenne pour l’Etude du Foie (EASL, Journal of Hepatology 2012; 57: 167–185) préconisent l’utilisation de lamivudine, telbivudine ou ténofovir disoproxil fumarate (TDF), ce dernier étant classé B pour sa tératogénicité et ayant une barrière de résistance virologique élevée. De plus les connaissances issues des grossesses de femmes infectées par le VIH et traitées par ténofovir sont rassurantes.
Chez les femmes enceintes porteuses du virus de l’hépatite, il existe peu de données concernant l’utilisation du TDF pendant la grossesse pour la prévention de la transmission du virus de l’hépatite B (VHB) mère-enfant in-utero.
Etude sur 200 femmes enceintes
Les auteurs de cet essai, réalisé en Chine, ont inclus 200 femmes enceintes, porteuses de l’antigène e de l’hépatite B (HBeAg) et qui avaient un niveau d’ADN du VHB supérieur à 200 000 UI par millilitre.
Les participantes ont été tirées au sort, dans un rapport 1:1, pour avoir soit une prise en charge habituelle, sans traitement antiviral, soit recevoir du ténofovir (à une dose de 300 mg/j par voie orale), à partir de 30-32 semaines de gestation et jusqu’à la 4ème semaine du post-partum.
Les femmes ont été suivies jusqu’à la 28ème semaine du post-partum. Tous les nourrissons ont reçu une immunoprophylaxie et une vaccination dans les 12 heures suivant l’accouchement.
Les critères de jugement principaux étaient les taux de transmission materno-fœtale et des anomalies congénitales. Les critères de jugement secondaires étaient la sécurité du ténofovir, le pourcentage de mères ayant un niveau d’ADN du VHB inférieur à 200 000 UI par millilitre à l’accouchement, et la perte ou la séroconversion de l’Ag HBe ou de l’Ag HBs à la 28ème semaine du post-partum.
Taux de transmission significativement plus faible dans le groupe ténofovir
A l’accouchement, 68 % (66 femmes sur 97) des mères du groupe TDF avaient un niveau d’ADN du VHB inférieur à 200 000 UI par millilitre contre seulement 2 % dans le groupe témoin (2 femmes sur 100) (P < 0,001).
À la 28ème semaine post-partum, le taux de transmission mère-enfant était significativement plus faible dans le groupe TDF que dans le groupe contrôle.
Ceci était vrai aussi bien dans l’analyse en intention de traiter (transmission du virus à 5 % des nourrissons [5 sur 97] contre 18 % [18 sur 100] pour les groupes TDF et contrôle respectivement, p = 0,007) que dans l’analyse per protocole (transmission du virus dans 0 % et 7 % [6 sur 88] des cas pour les groupes TDF et contrôle respectivement, p = 0,01).
Les profils de sécurité maternelle et infantile étaient similaires dans le groupe TDF et le groupe contrôle, y compris les taux d’anomalies congénitales (2 % [2 sur 95 nourrissons] et 1 % [1 de 88], pour les groupes TDF et contrôle respectivement; P = 1,00), bien que plus de mères aient présenté une élévation de la créatinine (de 1,3 à 3 x la limite supérieure de la normale, LSN) dans le groupe TDF (7 vs 0).
Après l’arrêt du TDF, une élévation des ALAT au-dessus de la LSN a été plus fréquemment observée chez les mères du groupe TDF que chez celles du groupe témoin (45 % [44 femmes sur 97] par rapport à 30 % [30 femmes sur 100], P = 0,03).
Les critères de jugement sérologique du VHB maternels ne différaient pas significativement entre les groupes.
Cette étude, sur une cohorte de mères HBeAg positifs avec un niveau d’ADN du VHB de plus de 200 000 UI (au dessus de 8 log UI/ml dans les deux groupes) montre donc que le traitement par ténofovir est capable de réduire très fortement le taux de transmission mère-enfant par rapport à une prise en charge habituelle sans traitement antiviral.
Il faut cependant certainement tenir compte du profil de tolérance rénale.
Pr Marc Bardou
RÉFÉRENCE
Pan C Q et coll. : Tenofovir to Prevent Hepatitis B Transmission in Mothers with High Viral Load. N Engl J Med 2016; 374: 2324-34


Posté

En

,

par

Étiquettes: